Art. 343. — 101. La loi commence par poser en principe que la promesse d'un acte ou d'une abstention illicite ou impossible est nulle. C'est évidemment ici une nullité radicale, car l'article 325 n'admet pas l'existence de la convention, si elle n'a pas pour objet une chose ou un fait dont le promettant ait " la disposition; or, un fait illicite n'est pas légalement à la disposition du promettant, pas plus qu'un fait impossible n'y est naturellement.
La loi ne croit pas nécessaire de dire, comme le Code Français, que le fait illicite est celui " qui est prohibé par la loi ou contraire, soit aux bonnes mœurs, soit à l'ordre public" (art. 1113); elle s'en expliquera d'ailleurs au sujet de la condition illicite (art. 433). Il est encore moins nécessaire de définir l'acte ou le fait impossible. Mais la loi déclare qu'il faut considérer comme promesse d'un fait impossible au promettant, la " promesse du fait ou de l'abstention d'autrui." C'est la théorie romaine, d'après laquelle " on ne peut promettre qu'un fait de soi-même" (de se quemque promittere opportet).
L'article du 1119 du Code civil français, célèbre par son obscurité et son laconisme, contient, à ce sujet, deux dispositions mélées et confondues, alors qu'elles auraient dû être tout à fait séparées: ” on ne peut, en général, s'engager ni stipuler, en son propre nom, que pour soimême; " ce qui revient à dire: 1° on ne peut, en son propre nom, promettre le fait d'autrui, 2° on ne peut se faire promettre qu'il sera donné ou fait quelque chose en faveur d'autrui.
Chacune des deux règles reçoit d'ailleurs des exceptions que la loi ajoute aussitôt (art. 1120-1121).
La première règle concerne bien l'objet des conventions, mais la seconde concerne la cause, et les Rédacteurs du Code français paraissent avoir complétement méconnu cette différence, en plaçant l'article 1119 avant les deux Sections relatives à l'Objet et à la Cause et sans s'y référer aucunement.
Le Code civil italien a séparé les deux dispositions (art. 1128 et 1129); déplus, il n'a laissé le caractère prohibitif qu'à l'une d'elles (la stipulation au profit d'autrui); mais, en les plaçant toutes deux après l'Objet et la Cause, dans les Effets des contrats, il paraît avoir commis une autre méprise.
Le Projet conserve ces deux prohibitions (v. art. suiv.) et il établit nettement le caractère de chacune.
102. On remarquera d'abord, tant pour l'interprétation de cet article du Projet que pour les articles précités des deux Codes étrangers, que, lorsque la promesse du fait d'autrui est déclarée nulle, ce n'est pas seulement à l'égard du tiers, mais aussi et surtout à l'égard du promettant lui-même: pour ce qui concerne le tiers, il n'est certainement pas tenu, mais c'est en vertu d'un autre principe qu'on posera bientôt, à savoir que " les conventions n'ont d'effet qu'à l'égard des " parties contractantes et de leurs héritiers ou ayant" cause" (v. art. 365). C'est donc à l'égard du promettant lui-même que la promesse du fait d'autrui est ici déclarée nulle. Mais, pour rester dans l'hypothèse de l'impossibilté d'accomplir la promesse, la loi suppose que " le promettant n'a pas d'autorité sur le tiers dont le " fait a été promis."
La promesse serait donc valable si quelqu'un avait promis le fait de son fils mineur, de son serviteur, de son ouvrier ou employé, et en supposant, bien entendu, qu'il s'agît d'un fait que le promettant pouvait exiger pour lui-même de ce tiers; en réalité, c'est comme s'il avait promis de donner les ordres et le temps nécessaires à son fils, à son serviteur ou employé, pour l'accomplissement du fait en question, et si, après la promesse, le maître refusait on négligeait de donner ce temps ou ces ordres, il serait tenu des dommages-intérêts; si c'était le tiers qui refusât absolument de faire le travail promis, l'obligation, qui n'aurait pas été nulle dès le principe (a priori), se trouvrait éteinte par force majeure, car le père, le maître ou le patron ne peuvent exercer de contrainte physique sur leur enfant ou leur subordonné.
103. Après avoir déclaré nulle la promesse du fait d'autrui, la loi apporte moins une exception qu'un tempérament à la règle: elle dit que l'on peut garantir l'accomplissement du fait d'autrui; c'est ce que le Code français appelle se porter fort pour autrui (art. 1120).
Ici, le Projet s'écarte notablement des deux Codes précités, en exigeant qu e la garantie soit expresse.
La jurisprudence française permet que, par interprétation de la volonté des parties, on puisse considérer comme s'étant tacitement porté fort ou garant celui qui a promis le fait d'autrui; or, comme on doit toujours, autant que possible, interpréter les conventions " de la façon qui doit leur faire produire un effet, plu" tôt que de celle qui ne leur en ferait produire aucun " (c. civ. fr., art. 1157; Proj., art. 378, 2e al.), on arrive à supprimer entièrement la prohibition de la promesse expresse dit fait d'autrui, pour y voir une promesse tacite de garantie, c'est-à-dire un fait personnel du promettant.
Le Code italien (art. 1129) remplace formellement la règle par l'exception: la promesse du fait d'autrui est toujours valable, non à la charge du tiers, bien entendu, puisqu'il n'a pas figuré dans l'acte, mais à la charge du promettant qui sera toujours garant et tenu de dommages-intérêts, si le tiers n'accomplit pas le fait promis.
Le Projet japonais ne va pas si loin: il n'oblige le promettent que "s'il s'est expressément porté garant " du fait ou de l'abstention du tiers: il a alors promis son propre fait, en sorte qu'on n'est pas dans une véritable exception; et, dans ce cas même, le promettant ne sera caution que " si le tiers a ratifié l'engagement pour luimême " (3e al.), car il ne peut y avoir de caution que s'il y a un débiteur principal.
104. Si le tiers ne ratifie pas l'engagement pris pour lui, le promettant n'est garant que s'il a promis une clause pénale (4e al.), laquelle est, comme le cautionnement une obligation conditionnelle ordinaire pour luimême. La clause pénale, loin d'être nulle, comme accessoire d'une convention nulle, rend celle-ci valable, comme il a été prévu sous l'article 323 (v. n° 36).
104 bis. Si le promettant a seulement promis de procurer la ratification, il est tenu d'une indemnité, à défaut de ratification, même en l'absence de clause pénale, parce qu'ici encore, en promettant de procurer la ratification, il a promis son propre fait.
Enfin, si, dans le même cas, la ratification a été obtenue, le promettant est libéré, même au cas où le tiers n'exécuterait pas son obligation, parce qu'il a, procuré tout ce qu'il a promis (5e al.). La ratification en effet, suivant un principe traditionnel, " équivaut à un mandat (k); " or, de même que le mandataire qui promet au nom de son mandant n'est pas personnellement responsable, ainsi celui qui a procuré la ratification est dégagé de son obligation.
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(k) Ratificatio mandato ceyuiparatur.