334. La violence exclut le consentement, si l'adhésion de l'une des parties à la convention lui a été arrachée par des voies de fait auxquelles elle n'a pu résister.
Il en est de même si un engagement excessif ou téméraire a été contracté ou si une aliénation déraisonnable a été faite par une personne, pour échapper à un péril imminent, même provenant d'une force majeure, qui lui ôtait toute faculté de délibérer.
La violence n'est qu'un vice du consentement, lorsque les voies de fait, le péril ou les menaces n'étaient pas irrésistibles, mais ont déterminé la partie à contracter, pour éviter un mal plus considérable, immédiat ou prochain, soit pour sa personne ou pour ses biens, soit pour la personne ou les biens d'autrui.
En général, la violence n'est considérée que comme un vice du consentement; c'est ainsi que le Code français la présente (art. 1111 et suiv.); c'est la théorie romaine, d'après laquelle “ la volonté forcée est toujours ime volonté”; dans le même sens, on dit aujourd'hui que celui qui cède à la violence ou à la menace préfère de deux maux le moindre, et, par conséquent, ayant délibéré, a consenti.
Mais on doit admettre qu'il y a des cas où la violence est telle que la résistance est impossible, qu'il n'y a plus délibération, par conséquent, pas de volonté ni de consentement. Ce ne sera guère que le cas de menaces de mort et alors que le danger de la mise à exécution sera immédiat, par exemple, le cas où une partie serait sommée d'avoir à promettre ou à aliéner, alors qu'étant liée ou désarmée, on lui appliquerait sur la poitrine une arme meurtrière. On devrait admettre aussi le casd'actes de barbarie ou de torture» physiques insupportables.
La loi met sur la même ligne un danger, un péril imminent, provenant d'un accident et contre lequel une personne implore un secours, en promettant ou en aliénant tout ou la plus grande partie de sa fortune. Le cas de j»reils engagements, que le texte suppose “excessifs, téméraires et déraisonnables,” s'est présenté de tous temps et en tous jiays et il a souvent donné lieu à des difficultés sérieuses devant les tribunaux. Après le j»éril passé, oeux qui ont fait de telles promesses ou aliénations ne les veulent plus reconnaître, comme n'ayant pas été libres, ni même volontaires. Il n'est pas possible d'autoriser les tribunaux à les réduire, parce que ce serait de leur part estimer en argent des services, des dévoûments qui ne comportent pas une pareille estimation; ils ne peuvent donc que maintenir la convention en entier, si elle n'est pas déraisonnable, ou la déclarer nulle en entier, pour défaut complet de consentement, à'cause de son exagération même. C'est ce qu'autorise le texte du deuxième alinéa. Bien entendu, dans ce cas, les tribunaux pourraient allouer une indemnité à la jxjrsonne qui a rendu le service demandé, en prenant pour base, moins le danger que cette personne a couru elle-même pour le sauvetage que le dommage qu'elle a pu en éprouver, soit dans sa jieraonne, soit dans ses biens; le reste doit être laissé! à la reconnaissance de la jiersonne sauvée et ne constitue, pour elle qu'une obligation naturelle ou de conscience.
Le cas où la violence vicie le consentement est réglé au 3' alinéa. Les deux premières hypothèses s'y retrouvent, les violences physiques ou voies de fait et le danger imminent, mais à un moindre degré; il s'y trouve aussi les menaces d'un mal assez considérable pour que la partie menacée ait préféré consentir à la convention qu'on lui demandait, plutôt que de subir ce mal; la loi suppose aussi que ce mal doit être présent ou prochain, parce que, s'il était éloigné, il serait difficile de croire que la partie l'a redouté plus encore que la convention et que sa crainte a été sérieuse. En effet, ce qui doit être présent, c'est la crainte et non le danger; sous ce rapport, le droit romain, disant crainte présente, était plus exact que le Code français qui parle de mal présent.
Le texte nous dit encore que le péril auquel la partie a cherché à se soustraire par la convention peut avoir été, “soit pour sa personne, soit pour ses biens,” et qu'il peut avoir été aussi “ pour la personne ou pour les biens d'autrui.” Cette double assimilation d'intérêts de nature ordinairement différente, n'est pas absolue; elle ne défend pas aux tribunaux de tenir plus grand compte du danger des personnes que du danger des biens, et du danger du contractant plus que du danger d'autrui: du moment que les tribunaux doivent apprécier la gravité du danger et l'influence que la crainte a exercée sur la volonté, toutes les circonstances du fait sont à considérer par eux. Les articles suivante confieront encore d'autres pointe à leur examen.
Il va sans dire, et la loi n'a pas cru devoir l'exprimer, que des menaces légitimes qui auraient déterminé quelqu'un à contracter ou à aliéner, pour se soustraire à un danger légal, ne seraient pas considérées comme viciant le consentement; par exemple, si quelqu'un, menacé d'une poursuite civile ou d'une plainte au criminel, faisait une transaction pour y échapper, il ne pourrait alléguer le dol que s'il y avait eu exagération mensongère du danger qu'il pouvait courir et, dans ce cas, il pourrait, d'après la distinction exposée sous l'article 333, faire annuler ou réduire son engagement.