Art. 325 et 326. —40. Le rapprochement des deux premiers-articles de ce § permet de saisir d'un seul coup d'œil les conditions d'existence et de validité des conventions et de distinguer immédiatement les conventions radicalement nulles ou inexistantes de celles qui ne sont que viciées, annulables ou rescindables.
Il y a plusieurs grandes différences entre une convention nulle et une convention annulable.
Lorsque la convention est nulle, la nullité, étant radicale, a lieu de plein droit: elle n'a pas besoin d'être obtenue en justice; en cas de contestation, elle y serait seulement déclarée, comme préexistante; chacune des parties peut s'en prévaloir contre l'autre (ce qui fait dire que la nullité est absolue et non pas seulement relative?), soit pour se soustraire à l'exécution, soit pour la faire réparer, si elle a déjà été accomplie; enfin, ni le temps, ni la volonté des parties ne peuvent valider la convention nulle: elle devrait être refaite (comp. c. civ. fr., art. 1339).
Au contraire, si la convention n'est qu'annulable, l'annulation doit être demandée et obtenue en justice; elle ne peut être demandée que par celle des parties dont le consentement a été vicié ou qui était en état d'incapacité, d'où son nom de nullité relative (a); ennn, le vice de la convention simplement annulable, peut être réparé couvert, par une ratification ou confirmation expresse ou tacite, et même le fait seul, par la partie intéressée, de laisser écouler, sans agir en nullité, le temps fixé par la loi pour l'exercice de l'action équivaut à une ratification tacite (voy. art. 577 à 579; comp. c. civ. fr., art. 1304 et s.).
Il est superflu d'insister sur une dernière différence que le texte de l'article 326 fait suffisamment ressortir: les conditions d'existence des conventions sont nécessaires à leur validité et la réciproque n'est pas vraie, c'est-à-dire que les conditions de leur validité ne font pas nécessaires à leur existence; de même, pour qu'une personne soit valide, il est nécessaire qu'elle vive, tandis que la vie et la santé ne sont pas toujours réunies.
41. Le Code français est loin d'être exact et complet sur cette distinction entre les conditions d'existence et de validité des conventions: dans l'article 1108, il présente comme conditions de simple validité le consentement, l'objet certain et la cause licite, lesquels sont des conditions de l'existence même de la convention, et il n'indique pas tous les caractères que doivent avoir le consentement, l'objet et la cause; on ne les trouve que plus loin (art. 1109 et s., 1126 et s., 1130 et s.).
Bien que la loi doive reprendre successivement chacune des conditions d'existence et de validité des conventions, elles ont un tel lien les unes avec les autres qu'il est nécessaire de donner ici une esquisse rapide de chacune d'elles, en suivant l'ordre indiqué par les deux articles 325 et 326.
I. -CONDITIONS D'EXISTENCE DES CONVENTIONS.
42. A. Consentement. Le consentement est l'accord des volontés; c'est un même sentiment des parties (b); il est tellement essentiel à l'existence de la convention que la définition de celle-ci (art. 317) est presque la même que celle du consentement (c). Le plus souvent, la convention a pour point de départ la proposition d'une des parties, une offre ou une demande, et quand l'autre partie adhère, acquiesce à la proposition, on dit qu'elle consent. Si les deux autres conditions sont remplies, la convention est formée.
Les articles suivants indiqueront comment l'accord des volontés peut être produit et manifesté, et aussi comment il peut manquer ou être vicié.
43. B. Objet. Le second élément essentiel à l'existence de la convention, c'est un objet. La définition même que nous donne l'article 317, dit que cet objet ne peut être que la création ou la translation, la modification ou l'extinction d'un droit, soit réel, soit personnel. Mais le droit à créer ou à transférer, comme objet de la convention, doit lui-même avoir un objet, ainsi qu'il a un sujet actif et un sujet passif; il en résulte que, le plus souvent, par abréviation, on dit de l' objet du droit qu'il est l'objet de la convention. C'est cet objet du droit qui doit, d'après notre article 325, être certain ou déterminé et tel que les parties en aient la disposition.
Si, par exemple, il s'agit d'une obligation à créer (objet de la convention) et qu'il s'agisse de faire ou de donner quelque chose (objet de l'obligation ou de la créance), il faut que le fait à accomplir soit assez déterminé pour que le créancier ne puisse pas exiger plus que le débiteur n'a entendu promettre, et pour que celui-ci ne puisse pas réduire son obligation audessous de ce que le créancier a entendu obtenir. De même, s'il s'agit d'une chose à transférer en propriété et que ce soit une chose individuelle, il faut qu'elle soit assez clairement désignée pour ne pouvoir être confondue avec d'autres de plus ou moins grande valeur, et s'il s'agit d'une quantité, il faut qu'elle soit nettement déterminée en poids, nombre ou mesure.
Outre les choses individuellement désignées, dites corps certains, et les choses de quantité (v. art. 17), il y a les choses qui seraient désignées seulement par leur genre ou par leur espèce. Il ne suffirait pas de désigner par le genre la chose à donner, comme un animal, un arbre, une pierre: placés ainsi en présence de l'un des " trois règnes de la nature " (d), le créancier serait à la discrétion du débiteur ou celui-ci à la discrétion du créancier: tandis que le créancier pourrait exiger une chose d'une très grande valeur, dans le genre indiqué, le débiteur ne manquerait pas d'en offrir une d'une valeur dérisoire. Il suffirait à peine de désigner la chose par son espèce, comme un cheval, un sapin, un pied cube de pierre ou de marbre; peut-être pourraiton, quelquefois, d'après les circonstances et le but que se proposait le créancier, connaître avec plus de précision l'objet compris dans la convention; mais, le plus souvent, la convention serait sans effet juridique ou obligatoire/parce que l'objet ne serait pas assez certain, pas assez déterminé.
44. L'objet doit aussi être de ceux dont les parties aient la disposition." Cette expression répond à celle de " chose dans le commerce " usitée en Europe, où on l'a tirée du droit romain. Le mot commerce, pris ici dans un sens très large, pourrait être équivoque, à cause de son autre sens étroit et spécial. On l'a remplacé par une expression qui serait, au besoin, la définition des " elioses.. dans le commerce." Il y a d'ailleurs ici une plus grande exactitude que dans l'expression usitée: lorsqu'on parle de choses qui sont ou ne sont pas dans le commerce, on parle d'une manière absolue, abstraction faite des personnes; ainsi, on dit qu'une chose " n'est pas dans le commerce," quand personne n'en peut disposer avec profit (v. art. 27); tels sont les objets dont la fabrication, la vente ou la possession sont prohibées; tels sont encore les actes illicites ou défendus, soit par les lois, soit par les bonnes moeurs. D'un autre côté, il y a des choses qui ne sont pas dans le commerce pour certaines personnes et qui y sont pour d'autres; l'obstacle à la convention, à l'égard de ces choses, n'est plus absolu * mais seulement relatif. Ainsi, les biens des particuliers sont, en général, dans le commerce, en ce. sens que le propriétaire en peut disposer; mais ils sont hors du commerce pour tout autre que lui; c'est ce qui expliquera, le plus naturellement, en son lieu, que ”la vente de la chose d'autrui est nulle " (voy. art. 679; comp. civ. fr., art. 1599): une chose n'est pas dans le commerce pour un vendeur non propriétaire; on pourrait seulement promettre de se procurer la chose d'autrui et de la céder ensuite: on aurait alors promis son propre fait, on aurait contracté une obligation de faire (e).
L'expression adoptée par le Projet tient compte du caractère relatif de la prohibition de disposer.
Il va sans dire que la convention serait radicalement nulle si la chose qu'il s'agirait de donner avait déjà péri au moment de la convention: cette nullité n'est écrite dans la loi française que pour la vente (art. 1601), mais il faut, évidemment, la généraliser pour tous les contrats, sans qu'il soit besoin de rien ajouter au texte) car une chose périe " n'est ni dans le commerce général ni à notre disposition."
45. C. Cause. La cause de la convention est la raison déterminante qui a décidé les parties à y consentir; c'est le but qu'elles ont voulu atteindre: on ne fait pas une convention par caprice, mais par raison; on y cherche, en général, une satisfaction pécuniaire, morale ou de simple convenance. La satisfaction est pécuniaire dans tous les contrats à titre onéreux ou intéressés; elle est purement morale dans la donation ou dans la réparation volontaire d'un tort; elle est de simple convenance, quand on prend certains engagements qui n'ont pas le caractère de bienfaisance et qui ne procurent aucun profit, mais qu'on doit à sa position sociale ou à ses rapports avec certaines personnes; par exemple, quand on souscrit pour quelque dépense locale, pour l'érection d'un monument, pour une société scientifique ou littéraire.
Il y a aussi des conventions ou engagements, et c'est peut-être le plus grand nombre, dont le mobile est la recherche d'un plaisir, d'une satisfaction de la vanité ou du luxe; elles n'en sont pas moins valables juridiquement. Voilà ce qu'on entend par la cause dans les conventions, et c'est cette cause qui doit être vraie et licite, par opposition à la cause fausse ou illicite.
Il y a des conventions où il n'y a pas à rechercher si elles ont une cause vraie, ni si la cause en est licite, parce qu'elle y est inhérente avec ces deux qualités; tels sont tous les contrats nommés qui, étant organisés par la loi, ont nécessairement une cause et une cause licite. Ainsi, dans la vente, la cause de la convention, chez le vendeur, n'est autre que le désir d'acquérir une somme d'argent, le prix ou la créance du prix, en compensation de l'aliénation; chez l'acheteur, la cause est le désir d'acquérir la propriété, en compensation du prix à fournir. Dans la société, la cause est, pour chaque partie, le désir de réaliser des profits qui devront être plus considérables si elle met en commun ses biens et son travail que si elle les utilise séparément. Dans la donation, la cause est, chez le donateur, le désir d'être utile à autrui, plus encore que celui d'en obtenir de la reconnaissance; chez le donataire, la cause est le désir naturel d'acquérir gratuitement.
Au contraire, dans les contrats innommés, qui ne sont pas proposés et réglés par la loi, la cause doit être cherchée, car elle pourrait manquer, être erronée ou simulée, c'est-à-dire fausse, ou même être illicite. Ainsi, dans la novation, une partie n'a pu contracter une dette nouvelle que dans le but d'en éteindre une précédente; voilà la cause qu'on doit trouver; si donc cette première dette n'avait jamais existé ou n'existait plus, la nouvelle dette serait sans cause; si les parties croyaient à une cause, il y aurait cause erronée; si elles savaient que la cause n'existait pas, il y aurait cause simulée et, dans ces deux cas, fausse cause.
La cause illicite est plus facile à concevoir et pourra se présenter plus souvent dans les contrats innommés. En voici les deux cas principaux: 1° l'une des parties s'est engagée à accomplir un acte illicite; cet acte ne peut, pour cette partie, être l'objet d'une obligation ni d'une convention, puisqu'elle1" n'en a pas la disposition," puisque'cet acte Il n'est pas dans le commerce en même temps, comme il est, pour l'autre partie, le résultat cherché, le but poursuivi, il se trouve être, pour elle, une cause illicite de la convention; 2° toutes les fois que les parties ont subordonné, soit l'existence même, soit tout ou partie des effets de la convention à une condition pTOhibée, la cause de la convention est illicite; car toute condition suspensive est une cause de la convention, une cause tantôt principale et tantôt accessoire, mais qui, dans les deux cas, doit, comme illicite, rendre la convention nulle; il n'y a aucune différence réelle entre promettre une somme d'argent à quelqu'un S'IL commet une délit, et la lui promettre PARCE QU'IL aura commis un délit.
La cause illicite peut se rencontrer même dans les contrats nommés: c'est précisément, quand on les a subordonnés à une condition prohibée.
Remarquons que la condition illicite n'empêche la formation de la convention que si elle est suspensive; la condition résolutoire illicite n'empêcherait que la résolution, et même pas toujours; car si la résolution avait été stipulée comme peine d'un acte illicite prévu, elle devrait être observée (v. art. 433 et n° 376).
Il ne faut pas confondre avec la cause les motifs de la convention. On en établira les profondes différences sous l'article 330 (nos 61 et 62).
46. D. Solennités. Il ne sera parlé des solennités requises pour l'existence de certaines conventions qu'à l'occasion de chacune d'elles en particulier. Elles ne sont mentionnées ici que pour ?nérno'irc, car elles n'appartiennent prs à la théorie des Conventions en général. Les conventions solennelles ont d'ailleurs été déjà signalées sous l'article 321.
46 bis. E. Tradition. On a déjà démontré (n° 34) comment certains contrats exigent pour leur formation, outre le consentement des parties, la tradition de la chose qui en est l'objet; ils sont seulement au nombre de quatre: le prêt de consommation, le prêt à usage, le dépôt et le nantissement. Ils seront expliqués au Livre IIIe, i" Partie (Chap. 17, 18 et 19) et au Livre IVe, ne Partie (Chap. 2 et 3).
II. -CONDITIONS DE VALIDITÉ DES CONVENTIONS.
47. A. Absence de vices dans le consentement. L'article 326 indique seulement deux vices du consentement: l'erreur et la violence; en cela, il s'écarte notablement du Code frança:s et de ceux qui l'ont imité, lesquels comptent aussi le dol comme un vice du consentement.
On démontrera, sous l'article 333, que le dol, suivant le degré d'erreur qu'il cause, ou bien se confond avec ce vice même, ou n'est plus qu'un fait simplement dommageable qui donne lieu à réparation: cette réparation, il est vrai, pourra être obtenue par l'annulation du contrat, mais avec un autre caractère et avec moins d'effets,.que lorsqu'il y a eu une erreur viciant le consentement, à proprement parler.
48. B. Capacité des parties. Certaines personnes sont, par suite de conditions particulières où elles se trouvent, légalement présumées et déclarées incapables de faire certains r.ctes concernant leur personne même et leurs biens. Le Projet n'a pas encore eu à déterminer ces personnes: c'est au Livre Ier qu'on les trouvera. Mais, vraisemblablement, la loi japonaise ne sera, à cet égard, ni plus ni moins exigeante que les lois européennes.
La raison et l'expérience générale des peuples, tant anciens que modernes, ont toujours refusé la capacité de faire des actes juridiques de quelque importance à ceux dont les facultés intellectuelles ne sont pas suffisantes, soit par l'effet du jeune âge, soit par un dérangement de l'esprit. Mais la loi positive doit intervenir pour déterminer l'âge jusqu'auquel se prolonge, chez l'adolescent, la présomption d'inaptitude aux affaires juridiques; de même, elle doit déterminer les moyens de constater chez l'insensé le dérangement des facultés mentales, d'en reconnaître la gravité et de lui interdire, s'il y a lieu et aussi longtemps qu'il sera nécessaire, l'exercice des droits civils.
Les lois des divers pays présentent quelques différences pour la fixation de l'âge de la capacité: l'influence des climats activant ou retardant le développement physique de l'homme, le développement de l'intelligence se trouve en même temps hâté ou retardé.
L'âge de la capacité varie, en Europe et en Amérique, de 18 à 25 ans; mais avec quelques différences entre les deux sexes et relativement à certains actes plus importants que d'autres. Le plus généralement, l'âge de la capacité est de 21 ans, pour les deux sexes.
Au Japon, il est maintenant de 20 ans, et, cet âge ne paraît ni prématuré ni trop retardé.
L'usage, en Europe, est d'appeler mineur celui qui n'a pas encore atteint l'âge de la capacité et majeur celui qui l'a dépassé: on suivra ici le même usage (f),
Il peut exister pour les mineurs une situation intermédiaire qui les prépare à la majorité et constitue pour eux une demi-capacité, c'est l'émancipation. Elle sera sans doute admise au Japon; il y a déjà été fait allusion au sujet des droits réels (v. art. 130, v. aussi art. 570 et 572) (ff).
Quant à ceux dont la démence, dont l'aliénation mentale a été dûment constatée, et dont l'incapacité a été prononcée en justice, on les appelle en France intei-dit,,;; on y donne le nom d'aliénés, à ceux qui sont temporairement placés dans un établissement de santé, sans avoir été judiciairement interdits, et le nom de prodigues à ceux que leur faiblesse d'esprit porte seulement à la dissipation. Les interdits sont, comme les mineurs, représentés par un tuteur placé lui-même sous le contrôle d'un conseil de famille; les aliénés sont représentés par un administrateur provisoire; les prodigues sont assistés d'un conseil judiciaire.
Quant à présent et jusqu'à ce que la loi ait réglé, au Japon, la condition juridique de ces personnes, on les désignera, dans le Projet, par le nom d"interdit.c; ou d'a l'iéné,';,
Ici encore, le Projet suit la tradition générale, en distinguant l'incapacité d'avec les vices du consentement, quoique, en allant plus au fond des choses, on puisse retrouver une présomption de vice du consentement, au moins d'erreur, chez l'adolescent ou chez le majeur frappé d'interdiction pour démence.
Il existe aussi en Europe l'incapacité des femmes mariées, fondée plutôt sur la soumission générale que la femme doit à son mari que sur la faiblesse du sexe féminin, puisque la femme non mariée ou veuve y peut exercer ses droits civils avec le même pouvoir que l'homme. La tendance est aujourd'hui, en Europe et en Amérique, d'étendre les droits des femmes plutôt que de les restreindre. Au Japon, ce sera déjà pour les femmes une extension de capacité que de n'être soumises qu'à l'incapacité où elles sont placées par la loi française.
49. C. Absence de lésion. On n'entrera, à présent, dans aucuns détails, ftu sujet de la lésion considérée comme cause tout exceptionnelle d'annulabilité des conventions. La lésion suppose que, dans un contrat à titre onéreux où chaque partie cherchait un avantage égal à celui qu'elle fournissait (c'est le contrat que le Code français appelle commutatif) l'une d'elles a trouvé un avantage beaucoup moindre. L'intérêt général qui demande que les conventions soient maintenues autant que possible ne permet pas que cette cause d'annulation soit facilement admise. Aussi, en droit français, ne rencontre-t-on que deux contrats annulables pour lésion proprement dite entre personnes majeures: le partage de biens indivis où l'un des copartageants est lésé de plus du quart de la part qu'il devrait avoir (art. 887 et 1872) et la vente d'immeuble où le vendeur est lésé, dans le prix fixé, de plus des 7/12es de la valeur véritable (art. 1674).
Le Projet admet ces deux causes de rescision. Il n'a pas encore eu à se prononcer sur le partage des successions, mais il admet la rescision pour lésion du partage des sociétés (v. art. 806); il l'admet aussi pour la vente d'immeubles, en faveur de l'acheteur, mais avec une légère différence dans le taux de la lésion, 6/12es au lieu de 7/12es (v. art. 733) (l).
Il ne serait peut-être pas téméraire de considérer comme des cas de rescision pour lésion, au fond et dans le principe, la résiliation pour éviction partielle (c. c. fr., art., 1636; Proj., art. 700) et celle par suite de vices cachés (ib" art. 1644; Proj., art. 741); on peut, au moins, sans hésiter, citer d'autres cas où la lésion, sans motiver l'annulation du contrat, donne lieu à une modification des obligations respectives des parties: par exemple, l'excédant ou l'insuffisance de la mesure dans la vente ou le louage d'immeuble (c. civ. fr., art. 1617 et s., 1765; Proj., art. 139 et 685 et s.).
La lésion est encore, en droit français, une cause de rescision, en faveur des mineurs, " contre toutes sortes "de conventions" (art. 1305), et ici, quelle que soit l'importance de la lésion, même la plus minime. Cette combinaison de la lésion avec l'incapacité a donné lieu, dans la jurisprudence et la doctrine françaises, à d'assez sérieuses difficultés que le Projet devra s'efforcer de prévenir (voy. art. 569 et s.).
50. On terminera par une observation importante ces généralités sur les diverses conditions d'existence et de validité des conventions.
Déjà, en plusieurs occasions, on a rencontré et appliqué le principe fondamental de la liberté des conventions; le § suivant va bientôt le proclamer, le justifier et en fixer les limites. Ce principe ne reçoit ici qu'une application très restreinte: les parties pourraient ajouter aux conditions d'existence de la convention, en la subordonnant à un événement plus ou moins casuel, et à celles de validité, en la subordonnant à l'absence de lésion, dans un cas où la loi n'admet pas la rescision pour lésion, ou en n'exigeant pour cette rescision qu'une lésion moindre que celle exigée par la loi; mais elles ne pourraient rien retrancher des conditions légales, soit d'existence, soit de validité de la convention: pour les premières, elles dépendent de la nature des choses, laquelle est ici la pure raison; pour les secondes, elles sont une protection pour les faibles, et le but de la loi qui est un but de justice ne serait pas atteint, si la partie intéressée pouvait se soustraire à cette protection, notamment au droit de faire rescinder son contrat pour incapacité, pour vice de consentement, ou même pour lésion (voy. c. civ. fr., art. 1674; Proj., art. 733).
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(a) L'exactitude du langage voudrait que le mot nullité fût réservé au cas d'inexistence de la convention (nul vient du latin: nihil, "rien"), et l'on devrait dire annulabilité dans le cas d'un simple vice du consentement, où une action en justice est nécessaire et constitue une simple faculté pour l'une des parties; mais on a pris l'habitude, en France, d'employer aussi, dans ce cas, le mot de nullité; peut-être est-ce parce que le contrat annulable à sa naissance devient nul après le succès de l'action en justice. On évitera ici, autant que possible, l'emploi impropre du mot nullité; malheureusement, le mot annulabilité, plus exact, est trop dogmatique et presque inusité: serait déplacé dans le Texte, à peine sied-il au Commentaire.
(b) Du latin: sentire cum, " sentir avec, penser ensemble."
(c) Pour que la définition de la convention fût complète, 011 devrait y faire entrer, outre la nécessité du consentement, celle de la cause et de l'objet; mais ce serait la trop compliquer.
(d) Au Japon, on trouve aussi cette division tripartite, mais un peu surannée, des choses principales que la terre met à la disposition de l'homme: les animaux (dô-loutsou ou lcin-Jû), les végétaux (shokou houtsou ou sô-molcou), les minéraux (ko-boutsou ou Jcin-séki).
(e) Au Japon, tant que les étrangers ne pourront être propriétaires d'immeubles que dans les concessions ou settlements, les immeubles seront "hors de leur commerce."
(f) Ces deux mots signifiant: moins agé, plus agé, sous-entendent un point de comparaison qui est l'âge de la capacité: 21 ans, en France, 20 ans, au Japon.
(ff) L'émancipation est, en effet, admise aujourd'hui par le Code officiel. „
(l) La Commission s'est refusée à admettre la rescision pour lésion dans la vente et elle ne figure pas au Texte officiel. Nous reviendrons sur ce dissentiment à l'occasion de l'article 733.
Quand à la rescision pour lésion dans le partage des sociétés, quoique bien plus justifiable encore que dans la vente, elle a subi le même sort. Nul doute qu'elle eût été exclue du partage des successions, si on eût admis la pluralité d'héritiers; mais celle-ci a été écartée en raison de la faveur persistante dont jouit encore le droit d'aînesse au Japon.