Art. 1482. — 357. Tous les Codes étrangers qui admettent en matière de meubles une prescription instantanée, admettent aussi une double exception au cas d'un objet perdu ou volé et acquis par un tiers de bonne foi. Le projet l'admet également, mais il sacrifie beaucoup moins le possesseur au propriétaire.
Dans les cas ordinaires d'application de cette prescription, on peut dire que le propriétaire du meuble qui a laissé sa chose exposée à une tradition faite par un autre que lui n'est pas exempt de faute, d'imprudence ou de négligence. Mais lorsqu'il a été victime d'un vol, ou lorsqu'il a fortuitement perdu sa chose, ce sont là des faits contre lesquels il doit être considéré comme n'ayant pu se prémunir, malgré les précautions ordinaires.
En même temps, celui qui a acquis la possession du voleur ou de l'inventeur a pu, généralement, remarquer un certain mystère dans les offres qui lui ont été faites de la chose, et sa défiance devait être éveillée: dans le doute, il ne devait pas traiter. De là, la revendication est permise contre le possesseur, " même à juste titre et de bonne foi mais, au lieu du délai de trois ans depuis la perte ou le vol, le Projet n'accorde qu'un an, pour cette revendication, ce qui paraît bien suffisant.
358. Comme cette exception est la seule justification possible de la double exception, le Projet innovant sur ce point, à l'égard du Code français et de ses imitateurs, limite la revendication au cas où le possesseur tient directement la chose perdue ou volée de l'inventeur même, du voleur, de son complice ou de leur représentant autrement, si la chose a déjà changé de mains avant de parvenir au possesseur, celui-ci mérite la même protection que dans tout autre cas; les choses perdues ou volées ne doivent pas être considérées comme formant une classe spéciale de choses, aussi n'ont-elles pas figuré dans la division préliminaire des choses (v. art. 1er à 30; v. aussi T. Ier, n° 47).
Lorsque les lois portent des exceptions à un principe général, comme c'est nécessairement parce qu'il y a un motif particulier d'y déroger, l'exception doit dès lors être enfermée dans les cas où le motif se rencontre.
Or, dans les deux cas qui nous occupent, pourquoi la loi préfère-t-elle le propriétaire au possesseur ? C'est avons-nous dit, et tout le monde le dira aussi, parce que le propriétaire privé de sa chose par une perte ou un vol est présumé avoir été moins imprudent que l'acheteur de cette chose; mais la différence s'évanouit quand le possesseur tient la chose de seconde ou de troisième main.
359. La loi tranche, au 28 alinéa, une question un peu discutée en France, mais sur laquelle on ne devrait pas avoir d'hésitation, du moment qu'on s'attache au motif qui justifie l'exception.
Lorsque le propriétaire a été victime d'un abus de confiance ou d'une escroquerie, on peut, sans rigueur exagérée, le considérer comme ayant été imprudent: il a mal placé sa confiance, en louant ou en déposant sa chose, ou en la confiant à un mandataire indigne; de même, s'il s'est laissé surprendre par les ruses d'un escroc. D'un autre côté, le possesseur qui a traité de bonne foi avec l'escroc, avec le dépositaire ou le mandataire infidèle, n'a été aucunement en situation de soupçonner la fraude, car ces personnes possédaient ostensiblement, comme étant leur, la chose par eux aliénée, puisqu'elle leur avait été librement confiée ou remise. Dans ces cas donc, la revendication n'est pas admise contre le possesseur de bonne foi.