Art. 1437. — N° 274. C'est dans un but de sage protection contre l'imprévoyance de l'homme que la loi ne veut pas qu'un possesseur ou un débiteur se prive d'avance du bénéfice de la prescription. Il pourrait arriver qu'un possesseur, menacé d'une revendication et pour la conjurer, quoiqu'ayant des titres, déclarât, par une fausse délicatesse, qu'il n'invoquerait jamais la prescription contre celui qui s'annonce comme son adversaire. Le cas serait encore plus fréquent et plus naturel de la part d'un débiteur, soit de même au moment où il craindrait des poursuites, soit surtout au moment du contrat; dans ce second cas, il lui serait presque impossible de ne pas subir cette condition de la part du créancier: autrement, il lui faudrait renoncer à un emprunt ou à un achat à crédit dont il peut avoir un besoin urgent.
L'un et l'autre ont pu se faire illusion en croyant qu'ils ne perdraient jamais leurs titres, l'un de propriété, l'autre de libération.
Mais dans le cas de la possession, la loi ne peut s'opposer à ce que le possesseur reconnaisse.la précarité de sa possession: ce n'est pas renoncer d'avance à une prescription à laquelle on aurait droit, c'est reconnaître qu'on n'est pas dans le cas d'en jouir, qu'on n'en remplit pas une des conditions principales, à savoir la possession à. titre de propriétaire, cum animo domini (v. art. 1474) (a).
La loi reviendra sur cette reconnaissance de précarité (v. art. 1456, 2e al.). D'ailleurs, il ne faudrait pas la confondre avec la simple reconnaissance du droit actuel du propriétaire, laquelle ne suffirait pas à donner à la possession le caractère de précarité.
Dans les deux cas, de possession et d'obligation, celui qui est arrivé à pouvoir invoquer la prescription, parce que les conditions, y compris celle du temps, en sont remplies, peut y renoncer, mais toujours pour le passé et sans être privé du droit de profiter d'une nouvelle prescription.
Le possesseur ou le débiteur peut aussi, même avant que la prescription soit accomplie, renoncer au bénéfice du temps écoulé.
Dans ces deux cas, le renonçant ne peut être taxé d'imprévoyance: il sait et il veut ce qu'il fait. Il y a alors, comme dit le dernier alinéa, une sorte de " reconnaissance du droit actuel de l'adversaire."
La reconnaissance est interruptive de la prescription et exige que le délai en soit recommencé (v. art. 1454 et suiv.).
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(a) Nous ajoutons, à cette occasion, un nouvel argument en faveur de la solution de l'article 1433, 20 alinéa (v. nos 251 et 269): celui qui, tout en invoquant la prescription acquisitive, reconnaîtrait que sa possession est précaire, serait évidenimant privé d'une prescription dont il avouerait ne pas remplir la condition essentielle, l'animus domini.