Art. 1471. — 329. Ici la suspension n'est pas limitée comme dans les articles précédents, mais complète et tant que dure sa cause.
Lorsqu'une personne est administrateur des biens l'une autre, en vertu de la loi comme le tuteur ou le mari, de l'ordre de la justice comme un syndic de faillite ou l'administrateur d'une succession vacante, ou en vertu d'une convention comme un mandataire ou un gérant de société, si cette personne est en même temps débitrice de celui dont elle gère les biens, ou si elle possède un bien appartenant à celui-ci, ce serait à elle à faire valoir le droit qui existe contre elle-même, ou au moins à interrompre la prescription. Mais ce serait peu praticable et elle y manquerait naturellement; or, comme elle encourrait, de ce chef, une responsabilité précisément égale au préjudice par elle causé, c'est-à-dire au droit que la prescription accomplie aurait fait perdre au maître ou titulaire, il est plus simple que la loi suspende la prescription tant que dure ce cumul des qualités contraires d'administrateur et de débiteur ou de possesseur.
Bien entendu, et la loi a soin de l'exprimer, il faut que la créance qui existe contre l'administrateur et le bien qu'il possède rentrent dans son administration. S'il s'agit d'une administration générale, comme celle du tuteur ou d'un mandataire général, il n'y a pas de question, mais le mandat légal ou conventionnel et l'administration confiée par justice pourraient avoir un objet spécial ou déterminé et ne pas concerner la créance contre l'administrateur ou la chose possédée par lui.
La loi nous dit que la prescription recommence à courir dès que l'administration a cessé. Mais, là encore, il fallait songer à la prescription instantanée des meubles qui se trouverait accomplie avant que le maître des affaires eût pu reprendre effectivement la gestion: la loi Ini accorde un délai de trois mois, comme entre époux, et bien qu'elle ne réserve pas la suspension portée à l'article 1471 bis, il n'est pas douteux qu'il l'y faille suppléer.
330. La loi n'accorde pas à l'administrateur une faveur inverse de la rigueur qui précède, pour le cas où il serait créancier de celui dont il gère les affaires ou propriétaire d'un bien dont celui-ci serait possesseur. C'est qu'en effet il n'y a pas même raison: le tuteur, le mari, le mandataire général, peut bien se payer de ses propres mains, et il lui suffira même de déduire sa créance au moment où il rendra ses comptes, sans avoir à prouver qu'il s'est payé antérieurement.
Quant au bien dont il est propriétaire, il lui aura fallu, il est vrai, faire un acte judiciaire interruptif de la prescription acquisitive, et cet acte il aura dû le faire contre la personne même du possesseur ou contre un mandataire ad hoc qu'il aura fait nommer; mais c'est une procédure assez facile pour qu'il n'y ait pas lieu de l'en dispenser et pour qu'on ne voye pas là un empêchement moral d'agir comme nous en avons rencontré.
Le Code francais dans un cas particulier, a suspendu la prescription en faveur de l'administrateur, c'est lorsqu'il s'agit de l'héritier bénéficiaire créancier de la suc. cession qu'il administre (v. art. 2258, 1er al.). On ne croit pas devoir proposer cette exception: l'héritier bénéficiaire fera figurer sa créance dans son compte de gestion.