Art. 1462. — 316. La disposition du présent article est encore l'application directe du principe qu'un droit ne peut se perdre par la prescription que lorsqu'il est né et que l'exercice en est possible légalement.
Certains droits dépendent de l'ouverture d'une succes. sion, soit quant à leur naissance même, soit quant à leur étendue, soit quant à leur exercice: aucun de ces droits ne peut se perdre par prescription tant que la succession n'est pas ouverte et que le délai de la prescription ne s'est pas écoulé depuis cette ouverture.
A la première catégorie semblerait appartenir le droit même de succéder, le droit de l'héritier légitime et celui du légataire universel ou particulier.
Mais c'est à peine si l'on peut considérer notre article comme applicable à ce droit qui est soumis à tant de conditions qu'on ne peut guère dire qu'il existe, même en germe.
En effet, il est subordonné à ces six conditions au moins: lo que l'héritier présomptif survivra au de cujus (à son auteur) (6), 2° qu'il ne sera pas incapable de succéder, 3° qu'il n'en sera pas légalement indigne, 4° qu'il ne sera pas exclu de la succession par la volonté du défunt, 5° que l'héritier lui-même ne répudiera pas la succession, 6° enfin que le défunt laissera effectivement une succession; et ce ne serait pas exagérer que d'exiger une 7° condition, à savoir qu'une loi n'ait pas, avant l'ouverture de la succession, changé l'ordre des héritiers, car cette loi s'appliquerait certainement, au détriment du précédent successible.
C'est même cette dernière condition qui prouve qu'on ne doit pas considérer le titre d'héritier comme un droit en germe, tels que sont les droits conditionnels, car s'il avait déjà ce caractère, si faible qu'il fût, il ne serait pas soumis aux dispositions d'une loi nouvelle (c).
Mais il reste d'autres droits moins éventuels et qu'on peut, avec plus d'exactitude, dire soumis pour leur existence à l'ouverture de la succession: ce sont les droits de demander le rapport et la réduction des donations; on pourrait bien, à la rigueur, faire quelque objection tirée également de l'applicabilité d'une loi nouvelle à ces droits; mais ce serait sortir de notre sujet que de la discuter ici.
De toute façon, et pour ne pas exposer la loi à quelque lacune, il a paru bon d'indiquer d'abord des droits dont “ l'existence même " est subordonnée à l'ouverture d'une succession (d).
Quant aux droits de la seconde catégorie, ceux dont "l'étendue " seule n'est fixée qu'au décès d'une personne, nous ne pensons pas qu'il puisse s'en trouver un grand nombre: nous citerons au moins en ce sens certaines combinaisons des assurances donnarit droit à des sommes payables à un décès et susceptibles de s'aug. menter à mesure que ce décès est plus retardé.
A la troisième catégorie se rattachera le droit de toucher l'indemnité d'un décès, au cas d'assurance sur la vie, prévu aux articles 863 et suivants, celui de recouvrer des objets soumis à un usufruit viager, et généralement les droits dont “ l'exercice " seul est soumis à un décès, soit par convention, soit par la loi: le décès, dans ce cas, est un terme incertain.
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(b) Sur l'expression de cujus, voir Tome II, n.o 99, note j.
(c) Ceci nous suggère une nouvelle justification de la défense de faire une convention sur une succession non ouverte: c'est qu'une succession onverte n'est l'objet d'aucun droit, même conditionnel. Cette idée ne s'est pas présentée à notre esprit avec la même évidence, au moment de notre explication de l'article 342, 28 alinéa (v. T. II, n° 98) et nous ne l'avons pas rencontrée chez les commentateurs de l'article 1130 du Code français.
(d) Dans la première rédaction de cet article, imprimée seulement en japonais, pous avions omis, par scrupule sur son utilité, cette première catégorie de droits; mais par prudence, nous l'y ajoutons.