Art. 1470. — 328. En disant que la prescription court entre époux, le Projet pose encore un principe opposé à celui du Code français (v. art. 2253).
Sans doute, on peut dire qu'il n'est pas bon que les époux soient placés dans l'alternative ou de perdre leurs droits respectivement, parce qu'ils auront craint de compromettre la paix conjugale par des poursuites l'un contre l'autre, ou de perdre la bonne union parce qu'ils auront fait valoir leurs droits; et c'est bien, là encore, ce qu'on peut appeler un empêchement moral aux poursuites.
Mais est-il nécessaire, pour concilier les deux intérêts, de suspendre entièrement la prescription pendant toute la durée du mariage ? On ne l'a pas cru.
Du mornent qu'on a déjà adopté un système de “suspension limitée" pour les mineurs, les interdits et la femme mariée, lorsque la prescription qui les menace court au profit d'un tiers, il est naturel de l'appliquer ici également, quoique l'empêchement moral d'agir soit plus direct.
La prescription courra donc entre les époux lorsque l'un sera débiteur de l'autre, ou lorsque l'un possèdera comme sien le bien de l'autre, et dès qu'il ne restera plus qu'un an à courir pour que la prescription soit accomplie, elle se trouvera suspendue, de sorte que l'époux ou ses héritiers auront toujours un an pour faire valoir leur droit (g).
Toutefois, s'il s'agit d'une courte prescription, d'un an ou au-dessous, la suspension n'aura lieu que pour moitié de sa durée, soit pour six mois, s'il s'agit d'une prescription d'un an (v. art. 146) et pour trois mois si la prescription est de six mois (v. art. 1497). Ces prescriptions d'ailleurs, seront bien rares entre époux, à cause de la nature des créances qu'elles concernent.
Il fallait surtout prévoir le cas de la prescription instantanée des meubles: lors même qu'on l'aurait suspendue entre époux pendant le mariage, elle aurait immé. diateinent produit son effet après sa dissolution, de sorte que la protection de l'époux propriétaire et de ses héritiers serait nulle, comme elle l'est dans le Code français. Le Projet accorde alors trois mois comme étant le plus court délai résultant de la disposition qui précède sur les courtes prescriptions.
Mais il existe encore en faveur de la femme mariée deux causes de suspension que la loi réserve, pour que cet article ne paraisse pas absolu dans ses dispositions; il en existe une autre en faveur de ses héritiers, de là, le renvoi à l'article suivant et à l'article 1471 bis.
----------
(g) Au moment où nous avons écrit, an Tome IV, p. 130, 2° al., que “la prescription ne court pas entre époux,” notre article 1470 n'ét:iit pas rédigé comme il l'est aujourd'hui: il faudra lire: la prescription admet une certaine suspension entre époux." (v. Corrections au T. IV.)