Art. 1256. — 488. La disposition du présent article est un nouveau cas de subrogation légale qui n'existe pas dans le Code français; nous aurions peut-être hésité à la proposer au Japon, parce que, plus nous avançons dans notre travail, plus nous rencontrons de difficulté à faire admettre nos innovations (a); mais nous la trouvons dans le Code italien (art. 2011), cela nous rassure contre le soupçon de témérité.
Le cas de cette subrogation est assez facile à saisir à la lecture du texte: un créancier a hypothèque sur plusieurs immeubles de son débiteur (ce sera le cas d'une hypothèque légale, ce peut aussi être celui d'une hypothèque conventionnelle ou testamentaire); si tous les immeubles sont vendus à la même époque et liquidés simultanément, l'équité demande, et c'est la disposition du 1er alinéa, que le prix de chaque immeuble contribue, d'après son importance relative, à payer cette dette: autrement, le prix d'un seul immeuble pourra être absorbé, en tout ou en très grande partie, par le paye. ment intégral, au grand préjudice des autres créanciers inscrits à la suite sur le même immeuble, et au profit des créanciers inscrits sur les autres immeubles qui se trouveront ainsi dégrevés d'une forte créance.
Cette répartition proportionnelle, immédiate et directe, n'est pas toujours possible, la vente et la liquidation de tous les immeubles ne peut toujours être simultanée; mais la loi indique un moyen d'y revenir indirectement, c'est la subrogation légale qui forme l'objet du 2% alinéa: les créanciers inscrits à la suite de celui qui a été dés. intéressé en entier sur un seul immeuble prendront sa place, c'est-à-dire son rang, pour leur propre créance, sur les autres immeubles, au lieu de n'y venir qu'à leur rang personnel qui est peut-être peu favorable.
Le texte dit que, dans cette subrogation, ils gardent “ leurs rangs respectifs,” afin qu'on ne croye pas qu'ils y arrivent comme par un titre nouveau, ayant une seule date et un seul rang."
Le but de la loi étant de faire contribuer les divers immeubles hypothéqués à une seule dette, proportionnellement à leur valeur respective, il en résulte que cette subrogation ne permet aux créanciers perdants de prendre la place de celui qui les a primés que dans la mesure où les autres immeubles doivent contribuer au payement de la première créance: autrement, on tournerait dans un cercle sans issue. La disposition du Code italien à laquelle on emprunte cette subrogation laisse ce point dans l'ombre et donnerait même lieu à quelque embarras, car elle porte que “le même droit appartient aux créanciers perdants par suite de ladite subrogation" (art. 2111).
Cette subrogation légale rentre d'ailleurs dans la seconde application de ce bénéfice de la loi, telle qu'elle se trouve énoncée à l'article 504-2° du Projet, comme elle l'est dans l'article 1251-1° du Code français: on peut dire, sans forcer l'idée, que “ces créanciers en ont désintéressé un autre qui leur était préférable à raison de ses priviléges ou hypothèques,” et nous ne serions pas surpris qu'un jour la jurisprudence française, s'inspirant de la loi italienne, arrivât à la même solution, par l'application scule de l'article 1251-1'.
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(a) En ce moment même, nous sommes vivement attaqué sur le caractère réel que nous voulons faire reconnaître au droit du preneur, et nous ne pouvons nous prévaloir d'un précédent législatif. Le célèbre jurisconsulte français Troplong qui soutenait que le droit du preneur est réel en France n'aurait pas hésité à proposer son système au Japon: pour lui ce n'eût pas été innover.