Art. 1192. — 378. Il est naturel que le créancier privilégié inscrit pour un capital portant intérêts, ou pour une rente perpétuelle ou viagère, ait droit à une certaine somme d'intérêts ou d'arrérages, lorsque la publication de sa créance révèle qu'elle est productive de ces prestations annuelles. Mais il ne serait pas bon que la négligence du créancier à se faire payer les intérêts ou arrérages rendît le privilége plus onéreux aux autres créanciers qu'ils n'ont pu le prévoir; dès lors, la loi devait mettre une limite raisonnable au droit à l'arriéré.
Le Projet adopte b limite de deux ans. Il s'écarte un peu, à cet égard, du Code français qui accorde deux ans " et l'année courante" (art. 2151).
Ce ne sont pas d'ailleurs deux années quelconques d'intérêts, mais les deux dernières (comp. art..1254); ce qui n'est pas indifférent, car s'il y a eu antérieurement des payements partiels du capital, les derniers intérêts seront moindres; 01', les autres créanciers peuvent avoir prévu qu'il y avait des intérêts échus non encore payés, mais ils ont dû croire naturellement que c'étaient les moins anciens.
Bien entendu, c'est à supposer qu'il y a deux ans échus, au moment de la liquidation, car il ne sera jamais rien accordé pour le temps à suivre, même sur ce qui devrait rester dû après la liquidation.
Si le créancier privilégié a laissé s'écouler plus de deux ans sans recevoir ses intérêts ou arrérages, il n'est pas déchu, à cet égard, de toute préférence sur les autres, mais il n'a plus qu'une hypothèque légale résultant du privilége dégénéré; c'est pourquoi la loi dit qu'il peut prendre " des inscriptions hypothécaires" pour l'arriéré remontant au-delà de deux ans.
La loi ne prévoit pas le cas de redevances annuelles en nature, parce qu'elles devraient toujours être estimées en argent et que, dès lors, elles seraient assimilées à des intérêts.
Cet article, par sa place et par ses termes, ne s'applique pas au privilége de la séparation des patrimoines: les séparatistes conserveraient intact leur droit à tout l'arriéré des intérêts et arrérages, car la séparation des patrimoines enlève tout droit aux créanciers de l'héritier sur les biens séparés, tant que les créanciers héréditaires ne sont pas désintéressés.