Art. 1187. — 369. Voici encore un cas, mais tout différent du précédent, où - l'aliénateur a un intérêt majeur à faire procéder lui-même à la publication de son privilége; c'est celui où la transcription faite ou à faire ne révèlerait pas sa créance, parce que “l'acte d'aliénation ou de partage ne porterait pas que la contrevaleur est encore due, en tout ou en partie, ou que des charges y sont attachées”: il est nécessaire alors que cette omission soit réparée par un acte postérieur, lequel sera une convention, si le débiteur est loyal, et un jugement, au cas contraire. C'est alors le créancier qui devra publier l'acte ainsi complété.
A cet égard, une distinction était commandée par la nature des choses et la loi l'exprime: si la transcription de l'acte principal n'a pas encore été faite, c'est, naturellement, le créancier qui y fera procéder, en y faisant joindre la publication de l'acte complémentaire; car l'acquéreur aurait intérêt à ne publier que l'aliénation, sans la créance corrélative; dans ce cas, le droit du créancier au privilége est coinplet.
Si la transcription a déjà été faite par l'acquéreur, c'est encore au créancier à pourvoir à sa sécurité; mais alors il ne peut plus que prendre une inscription directe et spéciale de sa créance: une mention en marge ou à la suite de la transcription ne suffirait pas, car la mutation de propriété a été révélée comme pure et simple et sans charges. Mais, dans ce cas, la situation du créancier est beaucoup moins bonne: il n'a plus qu'une hypothèque légale, et, à cet égard, la loi a soin d'employer l'expression consacrée de “privilége dégénéré.'
La conséquence déduite par la loi elle-même de cette déchéance du privilége est que la créance ne prendra rang qu'à la date de cette inscription spéciale et ne pourra nuire aux tiers qui, dans l'intervalle, auraient acquis du débiteur ou de son chef des droits réels sur l'immeuble et les auraient dûment publiés.
370. La loi assimile au cas où la contre-valeur n'a pas été portée dans l'acte d'aliénation ou de partage le cas où les charges, même énoncées audit acte, n'ont pas été évaluées en argent, et aussi celui où la créance éventuelle de la garantie qui est un effet légal de l'acte n'a pas été évaluée. Le cas est pourtant un peu moins défavorable au créancier, puisque sa créance est connue; mais comme les tiers ne peuvent en connaître le montant, cette créance ne doit pas leur être opposable.
La même distinction sera faite, à ce sujet: si l'aliénation où le partage n'ont encore reçu aucune publicité lorsque l'évaluation sera faite, le créancier fera faire simultanément la double publication et il aura un privilége; si la transcription a précédé l'évaluation, l'inscription spéciale de celle-ci ne vaudra que comme hypothèque légale, à sa date.
Une différence toutefois est à noter entre ce cas et celui du précédent alinéa, c'est que, comme il ne s'agit plus de révéler l'obligation d'une contre-valeur à fournir ou toute autre charge de l'aliénation, mais seulement d'en déterminer la valeur, le créancier n'a pas besoin d'ob. tenir pour cette évaluation le consentement du débiteur ou un jugement: il la fait lui-même, sauf au débiteur à la faire réduire ultérieurement, si elle est exagérée, comme il sera dit au Chapitre suivant (v. art. 1245).