Art. 1174. — 338. L'action en garantie d'éviction ne naît qu'avec et par l'éviction, aussi est-elle jusque-là à l'abri de la prescription (v. C. fr., art. 2257;-Proj. jap., art. 1463); mais il ne serait pas bon que les tiers fussent indéfiniment exposés à l'exercice éventuel d'un privilége, même à eux révélé par la transcription, comme il sera exposé plus loin. C'est pourquoi la loi n'accorde le privilége que si l'éviction a eu lieu dans les dix ans de l'échange ou de l'acte onéreux d'acquisition de l'immeuble sujet à éviction, et ici c'est la date du contrat même qui est le point de départ du délai et non la date de la transcription.
D'ailleurs, comme l'acquéreur qui a des doutes sur la réalité de ses droits peut toujours les éclaircir, et comme il n'est pas tenu d'attendre la revendication du véritable propriétaire pour agir en garantie contre son cédant (v. art. 693), il est bien suffisant qu'il ait dix ans pour s'assurer de la stabilité de son droit. Si même l'éviction est subie effectivement plus ou moins longtemps avant l'expiration des dix ans, et si le jugement intervenu à cet égard est devenu irrévocable, l'acquéreur doit former sa demande en garantie dans l'année du jugement et la publier dans le même délai.
Si le bien acquis en contre-valeur est un meuble, le privilége n'existe que si l'éviction a eu lieu dans l'année du contrat et si la demande est faite et publiée dans le mois du jugement.
Remarquons, à ce sujet, que si l'acquéreur croit pouvoir agir en garantie sans être judiciairement évince, il a bien tout le délai de dix ans pour un immeuble, ou d'un an pour un meuble, mais sans l'année ou le mois supplémentaire, puisqu'il n'y a pas eu de jugement; si, au contraire, il y a eu éviction judiciaire, il a bien ledit délai d'un an ou d'un mois, depuis le jugement, mais il se pourra qu'on soit encore bien loin de l'expiration du délai de dix ans ou d'un an et il ne pourra s'en prévaloir pour retarder sa demande.
Dans les deux cas, la publicité de la demande se fait, soit directement, soit par une mention en marge de la transcription de l'acte.
Cette double condition d'une demande et d'une publication dans un délai limité est un tení pérament nécessaire de l'extension donnée dans le Projet au privilége de l'aliénateur d'immeuble, pour la garantie de l'éviction par lui éprouvée au sujet du bien, meuble ou immeuble, qu'il avait compté acquérir en contre-valeur. Faute par lui de s'être conformné à l'une ou à l'autre de ces conditions, il a bien encore une créance de garantie d'éviction, mais elle n'est plus privilégiée.