Art. 1129. — N° 259. Le créancier nanti d'un immeuble a plus de liberté pour disposer de la jouissance du fonds que n'en a le créancier gagiste. Si l'on rapproche de notre article l'article 1112, on voit que, tandis que le créancier gagiste ne peut louer la chose reçue en gage que s'il en a l'autorisation du débiteur, notre créancier le peut, de plein droit, sans cette autorisation: la loi la lui donne; pour que la location lui fût interdite, il faudrait une prohibition contraire du débiteur. Le motif est que la jouissance de la chose, presque nulle quand il s'agit d'un meuble, est toujours plus ou moins importante pour un immeuble. Or, le créancier nanti ne serait pas toujours en situation d'en jouir par lui-même: pour un fonds de terre, il faut être plus ou moins agriculteur, et, s'il s'agit d'une maison, il serait rare que le créancier eût précisément besoin pour lui-même d'une pareille habitation.
L'article 1123 nous a dit que celui qui n'a qu'un droit temporaire de jouissance ne peut donner la chose en nantissement pour un temps excédant cette jouissance. Il n'en fallait pas tirer cette conséquence que le créancier nanti ne pourrait, à son tour, donner la chose à bail pour un temps plus long que son nantissement: la durée du nantissement est incertaine et dépend du payement de la dette, lequel peut avoir lieu à toute époque; si le bail fait par le créancier devait avoir une durée aussi incertaine, il serait bien difficile de trouver un preneur. On a donc admis que les pouvoirs du créancier nanti seraient, à cet égard, ceux d'un administrateur de la chose d'autrui, et le texte renvoie pour cela aux articles 126 à 129 qui règlent la durée et les délais du renouvellement des baux faits par les administrateurs.
Il faut même admettre que le créancier pourrait valablement louer pour toute la durée du nantissement et qu'il ne pourrait lui-même en demander la réduction aux limites qui précèdent: ce droit n'appartiendrait qu'au débiteur, après la fin du nantissement et s'il trouvait le bail désavantageux pour lui.
Au contraire, si le créancicr veut céder son droit de nantissement, il ne peut le faire que pour la durée même de ce droit et sous sa responsabilité, au cas où le cessionnaire abuserait de sa jouissance; il n'y a pas là, en effet, un acte d'administration qui puisse profiter au débiteur: sous ce rapport, c'est à l'article 1112 que la loi renvoie, pour ce qu'il contient de sévère à l'égard du créancier gagiste.