Art. 1120. — 248. Le présent article tranche une autre question de prescription, moins douteuse toutefois que la précédente, mais sur laquelle il convenait que la loi se prononçât, surtout puisque le droit romain et quelques interprètes de l'ancien droit ont décidé autrement.
Il est certain que, tant que la dette n'est pas éteinte, le créancier possède le gage à titre précaire, c'est-à-dire en reconnaissant que la propriété ne lui appartient pas; le gage est incompatible avec la propriété: on ne peut avoir en gage sa propre chose. Mais, une fois la dette éteinte par un payement ou par un autre mode légal d'extinction, il semble que le créancier ne possède plus la chose désormais à titre de gage, mais comme sienne, que, dès lors, la prescription acquisitive devrait courir en sa faveur et s'accomplir au moins par trente ans, en l'absence de juste titre et de bonne foi.
C'est pourtant ce que la loi lui refuse: la possession du créancier gagiste a commencé par être précaire, elle reste telle; l'article 2231 du Code français dit: "quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours censé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire; " dans une autre forme, le Projet japonais porte (art. 197, 3e al.) que "lorsque la précarité résulte de la nature du titre sur lequel la possession est fondée, elle ne cesse que par une contradiction formelle aux droits de celui pour le compte duquel on possédait, ou par une interversion du titre;" or, tant que le créancier gagiste ne sera pas dans l'un de ces deux cas exceptionnels, il restera détenteur précaire.
11 n'en serait pas autrement d'un usufruitier ou de son héritier qui aurait gardé la possession de la chose usufructuaire après la cessation de l'usufruit.
Observons du reste que c'est la prescription acquisitive du gage que la loi refuse au créancier, mais elle ne le prive pas de la prescription libératoire de l'obligation de restituer la chose: le débiteur pourra agir en revendication du gage, en prouvant son droit de propriété; il pourrait même, faute de cette preuve, se contenter d'agir au possessoire, mais il ne serait plus recevable, après trente ans, à réclamer la restitution, en se fondant sur le contrat de gage qui oblige le créancier à conserver et rendre le gage.