Art. 1118. — 244. Sans la prohibition portée par notre article, la clause ici prévue serait constamment imposée par le créancier au débiteur, au moment du contrat principal accompagné de la constitution de gag»: ce contrat, en effet, sera le plus souvent un prêt d'argent au moyen duquel le débiteur, embarrassé dans ses affaires, espèrera les rétablir; le créancier qui, ordinairement, demande déjà un gage d'une valeur supérieure à sa créance, pour être plus sûr d'être couvert, ne manquerait pas de stipuler que le gage lui resterait en propriété, à forfait et sans estimation, faute de payement à l'échéance, et le débiteur y consentirait, par une fausse confiance dans ses ressources futures.
Depuis les Romains, cette clause, connue sous le nom de lez commissoria, " pacte commissoire," est prohibée; le Code français, après l'ancien droit, n'a pas manqué à reproduire la même prohibition, et elle doit d'autant plus prendre place dans le Projet que cette funeste stipulation a été jusqu'à ces derniers temps tolérée au Japon par la coutume, en même temps qu'elle y était constante dans la pratique.
Pour que la clause qui nous occupe tombe sous le coup de la prohibition, il faut qu'elle ait eu lieu avant l'exigibilité de la dette. Assurément, le cas où elle est le plus dangereuse est celui où elle a lieu au moment même du contrat principal, comme nous l'avons dit plus haut; mais il pourrait arriver qu'à l'approche de l'exigibilité de la dette, le débiteur, pour en obtenir une prorogation, consentît à cette cession éventuelle de son gage, à forfait et sans estimation; dès lors, le danger, étant le même pour lui, demande le même secours.
La loi a soin de dire encore que la stipulation est aussi bien nulle pour une extinction totale de la dette que pour une extinction partielle.
Mais, une fois la dette exigible, il n'y a plus de prohibition: le débiteur peut toujours faire une dation en payement (v. art. 482).
245. Les prêteurs d'argent ont toujours été d'une habileté extrême à éluder la prohibition du pacte commissoire: la loi doit donner aux tribunaux le moyen de déjouer toute fraude à sa disposition.
Parmi les moyens les plus faciles d'éluder la loi serait la vente à réméré, dissimulant un gage avec pacte commissoire. Par exemple, celui qui voudrait, en empruntant 1000 yens sur gage, autoriser d'avance le créancier à garder le gage en payement à l'échéance, faute de remboursement réel, lui vendrait pour 1000 yens l'objet du gage, avec faculté de rachat dans le délai que devrait avoir le prêt, s'il n'était pas dissimulé; à l'expiration du délai de rachat, si le débiteur ne pouvait l'effectuer en argent, il aurait perdu la propriété.
Sans doute, il ne sera pas toujours facile de découvrir si la vente à réméré a été sincère ou si elle a dissimulé un emprunt sur gage avec pacte commissoire; dans le doute, on devra décider dans le sens de la sincérité des parties; mais le débiteur pourra souvent éclairer le tribunal sur le caractère véritable de l'opération.
Si la chose vendue à réméré avait été en même temps relouée au vendeur, cela pourrait donner des soupçons de fraude assez fondés; mais la loi a soin de dire que, même sans cette circonstance, la fraude pourrait être reconnue.
Un cas où la fraude sera plus facilement reconnaissable c'est celui, prévu par la loi, où la dette existant déjà, le débiteur aurait fait à son créancier une vente avec faculté de rachat, la créance du prix se compensant avec la dette.
246: Comme les nullités édictées dans le présent article le sont dans un but de protection pour le débiteur contre le créancier, il est naturel qu'elles ne puissent être invoquées par ce dernier, mais seulement contre lui, par le débiteur et ses ayant-cause, parmi lesquels il faut compter ses autres créanciers: c'est la même théorie que pour certaines nullités de la vente (v. art. 673, 675 et 677) et c'est l'application d'un principe général inscrit dans l'article 314.
Si donc il avait été convenu d'avance que le créancier gagiste garderait le gage en payement, sans estimation à l'échéance, et que le créancier regrettât cette convention, à cause de la dépréciation de la valeur, tandis que le débiteur s'en féliciterait, pour le même motif, le créancier ne pourrait contraindre le débiteur à un payement effectif en lui rendant la chose.