Art. 1108 et 1109. -231. La loi complète l'organisation de la publicité spéciale du gage en supposant que la chose donnée en gage est un droit personnel ou de créance.
D'abord, c'est une créance nominative qu'avait le débiteur contre un tiers.
Ici le droit n'est pas attaché à la possession du titre authentique ou privé qui la constate, il reste chose incorporelle (v. art. 6-1°). Cependant le débiteur devra livrer le titre au créancier gagiste: si cela ne lui ôte pas tout-à-fait le moyen d'aliéner la créance, de la donner en gage à un autre créancier, ou d'en recevoir le montant, au moins cela rend très difficile de pareils actes. Mais cela ne suffira pas, il faudra, en outre, que lui ou le créancier gagiste notifie au tiers débiteur que la créance est donnée en gage, afin que le payement ne puisse être valablement fait à l'ancien créancier et qu'il ne soit pas fait valablement de cession ou d'autre dation en gage. L'intervention du tiers-débiteur à l'acte de constitution du gage lui tient lieu de notification. Cette double forme rappelle celles que la loi perscrit pour le transfert même de -la créance et notre article se réfère, à cet égard, à l'article 367 pour ce qu'il contient de plus.
De ce que le tiers-débiteur ne peut plus payer valablement à son créancier, ce n'est pas à dire qu'il puisse payer au créancier gagiste: l'article 1113 nous dira le contraire et nous en donnerons le motif.
S'il s'agit de créances dites "effets de commerce ou effets négociables," il suffira que l'endossement porte qu'il est fait " en garantie," et dans ce cas, le créancier gagiste aura le pouvoir de recevoir de payement (voy. art. 1113).
Mais cette double faveur accordée au gage donné en effets négociables n'implique pas la dispense de dresser l'écrit dont parle l'article 1105, au moins si la dette à garantir est une dette civile: ce n'est que s'il s'agissait d'une créance commerciale elle-même, constatée par un effet de commerce, que l'endossement en garantie pourrait suffire. Au surplus, c'est le Code de Commerce qui aura à régler ce point.
232. L'article 1109 suppose enfin que le droit donné en gage est une action ou une obligation, nominative toujours, dans une société, soit civile, soit commerciale.
Nous n'avons pas à nous arrêter ici sur la différence entre une action et une obligation dans une société, puisque les deux sortes de droits suivent les mêmes règles au point de vue de la constitution du gage; il suffit de rappeler que l'action confère à celui auquel elle appartient, à l'actionnaire, la qualité d'associé, avec des chances de gains illimitées et des risques de pertes limités à la mise, c'est-à-dire au prix versé ou à verser pour l'obtention du titre; l'obligation, au contraire, est une créance contre la société, d'une somme qui lui a été fournie à titre de prêt ou autre titre analogue: le créancier, l'obligataire, n'a d'autre avantage à attendre qu'un intérêt fixe et d'autre risque à courir que celui de l'insolvabilité de la société.
Les actions et obligations peuvent être au porteur ou nominatives: dans le premier cas, elles se cèdent entre les parties par le seul consentement et à l'égard des tiers (y compris la société elle-même) par la tradition du titre (v. art. 366, 2e al.), et elles se donnent en gage à l'égard des tiers conformément aux articles 1105 et 1107, ci-dessus; dans le second cas, elles se cèdent ou se donnent en gage, à l'égard de la société et des tiers, par une déclaration à la société, laquelle inscrit sur ses registres; le nom du nouveau titulaire ou du créancier gagiste; le tout, sans préjudice de la remise du titre, comme notre article 1109 l'exprime.