Art. 1106. — 226. L'écrit dont il s'agit à l'article précédent n'est pas exigé pour la solennité, mais seulement pour la preuve; il est donc naturel que la preuve testimoniale soit admise en cette matière, conformément au droit commun.
Le Code français ne permet la preuve testimoniale que lorsque l'intérêt engagé est de cent cinquante francs ou au-dessous. Le Projet japonais admet cette preuve jusqu'à concurrenee de cinquante yens (art. 1396) (a).
Le texte a soin de préciser que c'est la " créance " qui doit pouvoir être prouvée par témoins, pour que la preuve testimoniale puisse à son tour être employée pour établir la constitution du gage et son objet.. Si donc la créance dépasse 50 yens, il ne sera pas possible de prouver le gage par témoins, lors même que la valeur n'en dépasserait pas ce chiffre; cette preuve, en effet, serait sans utilité pour le créancier, puisque son droit principal ne serait pas établi. Si la créance n'excède pas 50 yens, le gage pourra être prouvé par témoins, lors même que la valeur en excèderait 50 yens, parce que, lors même qu'on arriverait à le vendre, il n'en serait toujours prélevé que 50 yens pour désintéresser le créancier.
Le texte nous dit que, dans ce cas, il pourra n'y avoir qu'un seul témoignage, aussi bien qu'il pourra y en avoir deux, pour prouver la créance et le gage; c'est dire qu'il pourra y avoir des témoins différents pour les deux faits.
Un cas pourrait faire difficulté, mais la loi ne le traite pas, parce qu'il ferait trop entrer dans la matière des preuves, c'est celui où l'on se trouverait dans un des cas exceptionnels où la preuve testimoniale est admissible, même pour une créance de plus de 50 yens; par exemple, parce qu'il a été impossible au créancier de se procurer une preuve écrite (v. art. 1405). Pourrait-il, dans ce cas, prouver également la constitution du gage, à quelque valeur qu'il montât ?
La réponse demande une distinction: si la constitution du gage a été concomitante à la naissance de la créance, la même impossibilité d'en dresser une preuve écrite ayant eu lieu, la même faculté de la prouver par témoins appartiendra au créancier; mais si le gage n'a été constitué que plus tard et que l'impossibilité de rédiger un écrit n'ait plus existé, on ne pourrait pas prouver le gage par témoins, à moins qu'il ne fût resté lui-même dans la limite de 50 yens en valeur.
227. Une autre question de preuve du gage se présenterait dans les deux cas qui précèdent, si c'était le débiteur qui agît en restitution du gage.
Au premier cas, si le créancier ayant prouvé par témoins un gage supérieur a 50 yens, l'a fait vendre, le surplus, qui se trouve dû au débiteur, sera prouvé par la procédure même de la vente: ce sera une preuve écrite toute prête pour le débiteur. Mais si le débiteur, offrant de payer sa dette inférieure à 50 yens, prétend revendiquer un gage supérieur à cette somme, il ne pourra user de la preuve testimoniale.
Au second cas, celui où il n'a pas été possible de dresser un écrit pour le gage, le débiteur pourra, aussi bien que le créancier, faire la preuve testimoniale de la constitution du gage, quelle que soit sa valeur.
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(a) Le yen japonais est l'équivalent du dollar mexicain d'argent: il représente aujourd'hui 4 francs environ (juin 1891); 50 yens équivalent donc à 200 francs environ.