II. —PRIVILF.GE DES FRAIS FUNÉRAIRES.
Art. 1144. — 280. Le Projet ne devait pas laisser planer la même incertitude que le Code français sur le sens et la portée des mots " frais funéraires; " on leur donne ici un sens très étroit avec trois applications seulement: 1° l'ensevelissement, qui comprend le cercue il et les accessoires, 2° la cérémonie religieuse qui précède l'inhumation et comprend le transport du. corps, 30 l'inhumation proprement dite (la mise en terre) ou la crémation (incinération) très usitée au Japon (a).
Il n'y aurait certainement pas privilége pour un embaumement, qui serait un luxe, ni pour une autopsie qui aurait été faite pour découvrir la nature d'un mal intérieur, cause de la mort.
Il n'est pas douteux, au contraire, que le transport des corps au temple et au cimetière soit privilégié, puisque c'est une dépense inséparable de la double cérémonie; de même l'achat du terrain pour l'inhumation et aussi le monument qui y est élevé et constitue la tombe.
Comme ces dépenses sont susceptibles d'une grande variété d'importance et que la loi ne peut songer à les tarifer d'une manière uniforme, même pour les débiteurs qui meurent insolvables, elle invite les tribunaux, pour le cas de contestation, à tenir compte de la " position sociale " du débiteur, combinée avec la " mesure d'usage: " il ne faut pas que la dépouille du débiteur soit privée des honneurs qui lui sont dûs, parce qu'il meurt pauvre.
Mais la loi a soin (38 al.) d'exclure du privilége les dépenses, " même d'usage, " qui suivent les funérailles, immédiatement ou après un certain nombre de jours, comme les présents aux invités, les repas commémoratifs, les vêtements de deuil des parents ou des serviteurs.
281. Il faut, à cette occasion, indiquer la cause légale de ce privilége. C'est le seul des priviléges généraux qui ne soit pas fondé sur l'idée d'un service rendu à la masse des créanciers; la cause est double: la salubrité publique, qui réclame l'inhumation plus ou moins prompte des corps, et la décence, les convenances, qui seraient offensées, si les corps restaient plus ou moins longtemps sans sépulture, parce que la famille du défunt ne disposerait pas présentement des sommes nécessaires aux funérailles: en accordant un privilége général à ceux qui feront les avances d'argent ou de services pour cette cérémonie, la loi encourage les tiers à les faire. Mais on comprend que la loi ne donne pas le même encouragement pour des dépenses accessoires et consécutives dues à un usage qui serait abusif au cas d'insolvabilité.
282. C'est une question débattue en France que celle de savoir si le privilége des frais funéraires est limité aux funérailles du débiteur, ou s'il s'applique aussi aux frais des funérailles qu'il a prises à sa charge.
Tout en ne limitant pas le privilége aux funérailles du débiteur, il ne faut pas admettre qu'il puisse, au préjudice de ses créanciers, grever ses biens d'un privilége général qui ne se justifierait plus au même degré que quand il s'agit de lui-même. Le texte prend le parti qui serait le plus soutenable comme interprétation du Code français: le privilége n'aura lieu que pour les funérailles de personnes présentant ces trois caractères: 1° qu'elles soient de la famille du débiteur (non des amis), 2° que leur entretien, de leur vivant, ait été à sa charge, 3° qu'elles aient habité avec lui, à l'époque de leur décès.
Il faut qu'elles aient été à sa charge, parce que, leur ayant dû les aliments pendant leur vie, il leur doit les derniers devoirs; il faut qu'elles aient habité avec lui, au moment de leur mort, afin que les autres créanciers ne soient pas primés par un privilége qu'ils n'auraient pu prévoir.
----------
(a) En Europe, la crémation est encore peu usitée; elle rencontre des objections religieuses; mais il est probable qu'elles seront levées: des rai. sons hygiéniques et économiques réclament en faveur de cette innovation.