Art. 1143. — 278. L'expression frais de justice" n'est employée ici que parce qu'elle est consacrée; mais elle n'est pas sans inconvénients, parce qu'elle éveille naturellement l'idée de frais faits dans une procédure judiciaire. Sans doute, ce sont là les frais de justice par excellence, mais ce ne sont pas les seuls; c'est pourquoi nous proposons de les appeler aussi " légaux " (1).
La dénomination de " frais de justice," se justifie d'ailleurs par cette idée que si ces frais ne sont pas toujours faits en justice, c'est-à-dire dans une instance judiciaire, ils sont toujours faits sous le contrôle de la justice, par des officiers qui relèvent d'elle, disciplinairement.
Le texte les présente comme étant " des avances d'argent, des salaires ou honoraires," sans que cette énumération doive être considérée comme limitative. Ces frais sont faits 11 dans l'intérêt commun des créanciers, pour conserver, liquider, réaliser et distribuer les biens du débiteur."
Cet intérêt commun, en même temps qu'il caractérise les frais privilégiés, est la justification du privilége luimême et du premier rang qui lui est accordé. On retrouvera même, à des degrés divers, cette idée de " service rendu à la masse," comme justification des autres priviléges généraux, à l'exception d'un seul, le suivant.
Les principaux actes qui donnent occasion à ces frais sont: les appositions de scellés, après le décès ou la faillite du débiteur, l'inventaire général des meubles formant le gage commun des créanciers, le recouvrement, par voie judiciaire ou extrajudiciaire, des sommes et valeurs dues au débiteur, les revendications contre des tiers possesseurs, s'il y a lieu, la vente des biens aux enchères, le calcul de la répartition proportionnelle entre les créanciers et le payement.
279. Le 2e alinéa fait une réserve essentielle.
Il peut arriver que le droit de l'un des créanciers soit contesté et que celui-ci doive plaider contre le débiteur pour l'établir: si le créancier gagne le procès, il y a eu là des frais de justice, dans le sens le plus clair du mot, puisqu'il y a eu procès; ces frais sont privilégiés, mais le privilége n'est plus général, parce qu'ils n'ont pas été utiles au débiteur, ni à la masse: ils leur ont même été nuisibles, en amenant le concours d'un nouveau créancier; le privilége sera donc spécial: il portera sur le montant des sommes allouées dans la masse à ce nouveau créancier qu'il faut supposer être lui-même insolvable, sans quoi le privilége n'aurait pas d'intérêt.
Il en serait de même des frais de la procédure dite d'ordre qui règle le rang et le payement de chaque créancier ayant privilége spécial ou hypothèque sur un bien du débiteur: cette partie des frais, à la différence de celle qui résulte de la procédure dite de distribution par contribution, n'est utile qu'à ces seuls créanciers et ne doit être prélevée que sur le montant de la collocation qui leur est assignée.
Le privilége, restant spécial dans ces divers cas, rentre dans l'application de l'article 1] 61 qui réglera le privilége de " celui qui a conservé un objet mobilier."
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(1) Le Texte officiel n'a admis que l'expression consacrée de " frais de justice " dont l'inconvénient n'est pas moindre ou japonais qu'en français.