Art. 1072. — 1. 76. La loi suppose ici que la renonciation à la solidarité n'a été faite qu'en faveur d'un ou plusieurs des débiteurs solidaires; cette renonciation peut avoir été expresse: elle peut aussi n'avoir été que tacite, comme il est dit à l'article 532. Dans ce cas, elle n'a pas seulement pour effet d'affranchir celui ou ceux auxquels elle a été faite de la poursuite pour la part des autres, mais elle affranchit de même ces derniers de la poursuite pour la part des premiers: autrement la condition de ceux auxquels la remise n'a pas été faite se trouverait aggravée par l'augmentation des chances de poursuite contre eux. On peut donc dire que s'il n'y avait que deux débiteurs solidaires et que la remise de la solidarité fut faite à l'un d'eux, il ne subsisterait rien de la solidarité.
Si celui auquel a été faite la remise de la solidarité devient insolvable avant d'avoir payé sa part, la perte retombe nécessairement sur le créancier.
Ces deux solutions résultent clairement du 1er alinéa de notre article.
Le 2e alinéa suppose que parmi ceux qui n'ont pas été déchargés de la solidarité, l'un devient insolvable. On sait que l'effet ordinaire de la solidarité est de faire répartir les insolvabilités entre ceux qui sont solvables (art. 1067). Ici, l'application du principe est modifiée dans le même sens que plus haut.
D'abord il n'est pas possible que la diminution du nombre des débiteurs solidaires, laquelle est le fait du créancier, fasse augmenter la part de ceux qui restent tenus solidairement.
La question n'est que de savoir qui, du créancier ou du débiteur affranchi de la solidarité, supportera la part d'insolvabilité qui, sans la remise, aurait été à la charge de ce dernier.
Le texte, tranchant une controverse du droit français, décide que c'est le créancier qui supportera dans l'insolvabilité la part de celui auquel il a fait la remise de la solidarité: il est naturel de donner à cette remise tous les effets qu'elle comporte, en faveur du bénéficiaire, d'après l'intention probable qu'a dû avoir le créancier au moment où il a fait la remise; il ne peut prétendre réduire ces effets après coup, lorsque l'événement lui donne lieu de la regretter; d'ailleurs, le créancier n'a pas toujours, en cela, fait une libéralité: il a peut-être reçu quelque avantage en compensation du sacrifice de la solidarité.