Art. 1061. — 15. t. L'effet contre tous les débiteurs de l'interruption de la prescription et de la mise en demeure dirigée contre un scul est encore une suite du mindat mutuel des codébiteurs solidaires. La loi suppose que leurs relations sont continues et qu'il se feront part inmédiatement des poursuites dirigées contre l'un d'eux, de façon à se défendre collectivement ou à prendre les mesures nécessaires pour satisfaire le créancier. C'est au Livre Ve, ne Partie, Chapitre 3, qu'on verra les moyens accordés au créancier pour interrompre la prescription.
154 bis. Le Code français (art. 1206) a une disposi. tion semblable à celle de notre 1er alinéa, pour l'interruption de la prescription; il est déjà moins explicite sur l'effet commun de la mise en demeure d'un seul (v. art. 1207); mais il ne se prononce pas du tout sur l'effet de la suspension de la prescription; de là, sur ce point, une assez vive controverse dans la doctrine et des di. vergences dans la jurisprudence: le Projet ne doit pas les laisser se reproduire au Japon.
Faut-il donner la même décision qu'au cas d'interruption, pour le cas où la prescription aurait été suspendue en faveur du créancier, c'est-à-dire n'aurait pu courir contre lui, dans ses rapports avec un des débiteurs, tandis qu'elle aurait couru dans ses rapports avec les autres ?
Le Projet se prononce pour la négative, et il nous faut justifier cette différence d'application entre deux théories souvent semblables dans leurs effets, comme on le verra, notamment, à l'article 1092, au sujet de l'indivisibilité.
Prenons d'abord un exemple de suspension de prescription.
Nous ne pouvons prendre celui de la minorité du créancier, purce que dans ce cas, le créancier ne pourrait se voir opposer la prescription par aucun des débiteurs: il faut une suspensio:i relative et non pas absolue. D'ailleurs, dans le Projet, la minorité n'est pas admise comme cause de suspension de la prescription, sauf un tempérament (voy. art. 1467).
Mais supposons que le créancier soit le conjoint d'un des débiteurs: la prescription ne court pas entre époux (Proj., art. 1470; C. civ, fr., art. 2253).
Supposons encore que l'un des débiteurs jouisse d'un terme et non les autres: la prescription est suspendue jusqu'à l'échéance du terme, pendente die (Proj., art. 1463; C. civ. fr., art. 2257).
Verra-t-on, dans ces deux cas, l'un des débiteurs privé du bénéfice de la prescription, pendant que les autres pourront l'invoquer pour leur libération ?
En France, la question divise les auteurs. Personne, sans doute, ne soutient que, dans ces cas, la suspension, au lieu de rester relative, devient absolue, en sorte qu'aucun débiteur ne sera libéré par la prescription: le résultat serait inique et pourrait être contraire aus prévisions les plus sages des débiteurs; car il pourrait arriver que le mariage d'une feinme créancière avec l'un de ses débiteurs solidaires, ou que la concession tardive d'un terme par le créancier à l'un des débiteurs privât les autres de la prescription. C'est là ce qui serait inique et ce pour quoi la suspension n'opère pas contre tous les débiteurs, comme le fait l'interruption.
Mais il reste encore deux solutions en présence.
Dans l'upe, on dit que si la prescription a pu courir en faveur d'un ou plusieurs des débiteurs, elle proste à tous, même à celui contre lequel elle était suspendue par une cause personnelle ou relative: le créancier se trouve ainsi privé d'un bénéfice que la loi ou la convention semblait devoir lui assurer. On donne pour raison de ce résultat que la prescription opère l'extinction de la dette, comme un payement et par une présomption de payement; par conséquent, si un des débiteurs jouit de la prescription, la dette est éteiute et pour le tout.
Dans l'autre solution, et c'est la nôtre, on admet bien aussi que la prescription est une présomption de payement ou de remise de dette, une sorte de preuve résultant de la longue inaction du créancier; mais on dit qu'elle ne peut profiter qu'à ceux des débiteurs auxquels la loi ne l'a pas refusée, par suite de relations personuelles avec le créancier; lors donc qu'elle ne pourra être invoquée que par les uns et non par les autres, il y aura division dans la présomption, c'est-àdire que chacun de ceux contre lesquels la prescription n'était pas suspendue sera présumé avoir payé sa part de la dette, de sorte qu'il ne pourra plus être poursuivi que pour la part de celui qui ne pouvait jouir de la prescription, et, réciproquement, celui-ci ne pourra plus être poursuivi que pour sa part, les autres étant présumés avoir payé la leur.
Cette solution est en accord avec celle donnée par l'article 1058 pour les exceptions ou moyens de défense personnels à l'un des débiteurs. Dans cet état, il n'y a plus lieu à recours respectifs des codébiteurs, puisque nul n'a payé la part d'un autre.
On verra sous l'article 1092, 2e alinéa une solution différente pour le cas où l'obligation est indivisible et on la justifiera facilement.
154 ter. Nous saisissons cette occasion de nous prononcer sur une situation analogue, en matière de cautionnement, ce que nous avons omis de faire, sous l'article 1072 (n° 71) peut-être par inadvertance, peut-être aussi parce que le cas ne souffre pas la même difficulté.
L'article 1027, en effet, ne mentionne pas, à la suite de l'interruption de prescription, le cas où le créancier jouirait d'une suspension de prescription, soit relativement au débiteur principal, soit relativement à la cantion: par exenple, il serait le conjoint de l'un ou de l'autre.
Les solutions sont faciles:
Si la prescription est suspendue contre le débiteur principal, la caution en subira les conséquences: les poursuites seront possibles contre elle comme contre le débiteur, car la caution est garant de la dette, tant qu'elle existe.
Si la suspension a lieu contre la cautio:1, celle-ci ne sera pas privée du bénéfice de la prescription que peut invoquer le débiteur et elle pourra même l'invoquer du chef de celui-ci. Il n'y aurait même pas à distinguer, comme pour l'interruption, si, dans ce cas, la caution a été présentée par le débiteur et s'est engagée sur son mandat, oul spontané:nent, parce que ce serait, de la part du débiteur, renoncer d'avance au bénéfice de la prescription, ce qui lui est défendu (v. C. civ. fr., art. 2220 et Proj. jap., art. 1437).
Au contraire, si la caution s'était engagée solidairement avec le débiteur, on appliquerait les règles de la solidarité exposées plus haut.