Art. 1045. — 122. Déjà, à l'occasion de la remise conventionnelle ou de la renonciation faite par le créancier à tout ou partie de ses sûretés, on a énoncé le droit de la caution de demander sa décharge à ce même créancier, à raison de ce qu'il a diminué pour elle les moyens d'être indemnisée par l'effet de la subrogation à ces droits (v. art. 534).
Le Code français a placé cette disposition dans la matière du cautionnement (art. 2037), ce qui rend difficile son application à la solidarité (b).
Une différence qui est plus importante à signaler, à cet égard, entre les deux Codes c'est que, dans le Code français, la caution paraît déchargée de plein droit, tandis que, d'après l'article 534 du Projet, la caution doit faire une demande en décharge.
Cette nécessité de recourir à la justice était évidente dans le système adopté d'abord dans ledit article 531; car la caution devait "justifier qu'en contractant ello avait compté sur la subrogation aux garanties,” ce qui impliquait que les sûretés abandonnées par le créancier avaient été constituées avant l'engagement de la caution, ou en même temps, mais non après.
Mais cette distinction relative à la date respective du cautionnement et des autres sûretés a été reconnue mal fondée et supprimée de la nouvelle rédaction de l'article 534 (v. ci-dessus, n° 102).
Cela n'empêche pas qu'on maintienne ici la nécessité d'une demande en justice, car il peut y avoir contestation sur le fait de la négligence du créancier dans la conservation desdites sûretés.
123. Sous ce rapport, notre article est plus étendu que l'article 534. En effet, il ne se borne pas à renvoyer à l'article 534, il porte encore deux dispositions utiles qui ne pouvaient être rattachées à ce dernier.
1° Comme l'article 534 ne concerne que les renonciations ou remises, expresses ou tacites, mais toujours volontaires, on aurait pu douter que la caution eût le même droit à sa décharge lorsque le créancier aurait perdu ses sûretés par négligence: par exemple, en omettant de faire faire la transcription d'une vente d'immeuble, laquelle eût conservé son privilége de vendeur et son droit de résolution (v. art. 1184 et 1188), ou bien en négligeant l'inscription de son hypothèque (v. art. 1219) ou la notification requise au cas d'une constitution de gage sur la créance d'un tiers (v. art. 1108); on pourrait encore donner comme exemple le cas où le créancier aurait, par négligence à se défendre, laissé juger qu'il n'avait pas la sûreté prétendue par la caution.
Le texte de notre article autorise donc la caution à se faire décharger dans le cas de négligence du créancier (v. aussi art. 1036, al.).
2° On aurait pu douter également que ce droit à la décharge appartînt, sinon à la caution solidaire (laquelle y est formellement appelée par le nouvel article 534), au moins à la caution qui a renoncé au bénéfice de discussion ou à la caution engagée à l'issu du débi. teur ou malgré lui: ces diverses situations de la caution rendent sa condition moins favolable, à certains égards; mais elles doivent rester ici sans influence et la loi ”exprime en disant que le droit à cette décharge ap. partient “à toutes les cautions indistinctement et à leurs certificateurs."
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(b) La 1re rédaction de l'article 534 ne mentionnait que le cautionnement; la nouvelle rédaction le déclare applicable aussi à la solidarité.