Art. 1033. — 84. La loi suppose maintenant que la caution, toujours sans avoir appelé le débiteur en cause, a cependant valablement payé, parce que celui-ci n'avait pas de moyens de défense péremptoires à opposer au créancier. Là encore, elle peut être déchue de son recours; c'est lorsqu'elle n'a pas averti le débiteur du payement par elle effectué et, lorsqu'ayant tardé à exercer son recours, elle a laissé au débiteur le temps d'effectuer un nouveau payement; ici encore, c'est par sa faute qu'elle est déchue de son recours.
Pour être plus complète que le Code français, la loi donne la même décision pour le cas où le débiteur a obtenu sa libération autrement que par un second payement: par exemple, par novation, par compensation; mais il faut toujours que ç'ait été par un moyen onéreux; au contraire, si le débiteur avait, plus tard, obtenu du créancier une remise gratuite de la dette (et celui-ci aurait pu la faire de bonne foi, étant héritier du créancier originaire), le débiteur ne pourrait équitablement se refuser à rembourser la caution: la remise a été nulle, au fond, puisqu'il n'y avait plus de dette à éteindre et le débiteur qui lutte ici pour un gain est moins intéressant que la caution qui lutte pour éviter une perte (potior est qui certat de damno vitando, non qui certat de lucro captando).
D'ailleurs, le créancier, s'il avait réellement l'intention de gratifier le débiteur de la valeur de la créance, peut toujours le faire, aussitôt qu'il reconnaît qu'il en a déjà reçu le montant des mains de la caution et que le débiteur en doit le remboursement.
85. Le Code français n'a pas prévu le cas inverse de l'hypothèse précitée, celui où le débiteur aurait payé la dette sans en prévenir la caution et où celle-ci aurait payé une seconde fois. Il ne fallait pas donner absolument la même solution: le débiteur est plus naturellement appelé à payer sa dette que la caution; c est donc plutôt à celle-ci de s'informer, avant de payer, si le débiteur doit encore, que ce n'est au débiteur à s'enquérir si la caution n'a pas déjà payé.
Toutefois, et pour laisser place à l'examen, par les tribunaux, des responsabilités respectives, la loi déclare ici que la question sera résolue " suivant les cas," c'està-dire d'après les circonstances du fait: par exemple, si le débiteur était absent ou en prison au moment où la caution a été requise de payer, et si, de retour, il avait payé sans s'informer près de la caution si elle avait déjà payé ou non, il serait dans son tort.
86. Il va de soi, mais le texte l'exprime, que dans aucun cas, le créancier, même de bonne foi (ce qui sera rare ici), ne doit profiter de l'erreur qui a donné lieu à un double payement et qu'il devra rendre ce qu'il a indûment reçu; d'où il suit que les déchéances édictées par le présent article et par le précédent n'ont d'intérêt sérieux qu'au cas d'insolvabilité du créancier.