Art. 1004. — N° 14. Il s'agit ici du véritable contrat de cautionnement, et ce qui prouve qu'il n'a rien de commun avec la promesse de cautionnement faite par le débiteur et dont il est parlé plus haut, c'est que celui-ci n'y figure pas. Sans doute, il pourra arriver que le garant, la caution, intervienne en cette qualité à l'acte principal même, conjointement avec le débiteur, mais il y aura moins là une clause de ce contrat principal qu'un contrat distinct au fond, quoique non séparé en la forme; ce sera un contrat accessoire assurément, mais il ne serait pas moins accessoire s'il intervenait après un certain intervalle de temps (ex intervallo) car il ne peut exister sans un autre (v. art. 323).
Le contrat de cautionnement est unilatéral, parce qu'il n'oblige que la caution; il est gratuit ou onéreux, suivant le caractère du contrat principal auquel il se rattache. Sans doute, la caution, en s'engageant pour le débiteur, ne reçoit rien du créancier, en compensation de l'engagement qu'elle prend envers lui; mais si celui-ci a fourni au débiteur une contre-valeur pour obtenir l'engagement principal, le cautionnement, qui en est l'accessoire et la condition, n'est pas reçu gratuitement. C'est à l'égard du débiteur que la caution remplit un bon office et fait un acte de bienfaisance, comme mandataire ou gérant d'affaires; ce point sera repris avec les articles 1011 et 1012.
Il va sans dire que le contrat de cautionnement est consensuel, et cela en deux sens, c'est-à-dire non réel et non solennel (v. art. 320 et 321).
15. La définition du cautionnement, donnée par notre article, n'est pas tout-à-fait celle de l'article 2011 du Code français, d'après lequel l'engagement de la caution serait toujours conditionnel: à savoir, " si le débiteur ne satisfait pas lui-même à son obligation." Cette formule, prise à la lettre, semblerait dire que la caution ne peut être poursuivie que si toutes les voies de droit ont été épuisées, sans succès, pour contraindre le débiteur au payement. D'un autre côté, il est dit ailleurs que le créancier peut poursuivre la caution avant le débiteur, et ce n'est que par exception et sous des conditions très gênantes que la caution peut renvoyer le créancier à discuter préalablement les biens du débiteur principal (art. 2022 à 2024).
Pour concilier avec ces articles la définition du cautionnement donnée par l'article 2011, on a proposé plusieurs explications qu'il n'est pas utile de présenter et d'apprécier ici.
Le présent article ne donnera pas lieu à la même difficulté: la caution n'est tenue d'acquitter la dette 19 qu'à défaut d'exécution par- le débiteur," ce qui indique, assez que son obligation n'est pas pure et simple mais conditionnelle et subsidiaire.
Mais à quel moment précis pourra-t-elle être poursuivie ? Suffira-t-il que le créancier ait, préalablement et sans succès, sommé le débiteur de payer ? Faudra-til qu'il ait commencé et poussé, plus ou moins loin, dès poursuites contre le débiteur ?
Ce sont là des questions qui seront résolues plus loin, au moyen de certaines distinctions. Ce qui importait, c'était que la loi ne se mît pas ici en opposition avec ce qu'elle établira plus loin au sujet de la discussion des biens du débiteur.
16. La caution ne s'engage pas seulement à exécuter la dette principale, suivant sa forme et teneur, à défaut du débiteur: elle doit aussi indemniser le créancier de l'inexécution, lorsque celle-ci est imputable à la faute du débiteur. En effet, il peut s'agir d'une obligation de faire, dans laquelle la personne même du débiteur a été prise en considération exclusive, et la caution ne serait pas reçue à l'exécuter elle-même; mais alors elle doit l'indemnité dont le débiteur en faute est tenu.
Il n'était pas inutile de l'exprimer, et c'est une lacune qui peut embarrasser dans le Code français, en présence de l'article 2015 qui ne permet pas " d'étendre le cautionnement au-delà des limites dans lesquelles il a été, contracté" et de l'article 2016, qui, même au cas de cautionnement indéfini, n'étend la responsabilité de la caution qu'aux accessoires de la dette.
D'ailleurs, l'article 1008, ci-après, reproduisant à peu près l'article 2016 du Code français, il était nécessaire aussi, dans le Projet, de dire que la caution est tenue de l'indemnité d'inexécution.