Art. 1021. — 49. C'est ici que se trou vent les restrictions et conditions imposées à l'exercice du bénéfice de discussion.
L'idée dominante est que si la discussion des biens du débiteur doit prendre un temps trop considérable, donner lieu à une procédure compliquée ou n'avoir pas de chances de succès, elle ne doit pas retarder la poursuite du créancier contre la caution. Cette idée a été, évidemment, celle du Code français, et le Projet l'adopte, à son tour; mais il la pousse plus loin dans ses conséquences logiques. A ce point de vue, le Projet est plus sévère pour la caution; à d'autres égards, il est moins exigeant contre elle. On va faire ressortir ces différences, en les motivant.
50. Le Code français ne veut pas que la caution demande la discussion de biens trop éloignés du lieu où le payement doit être fait: le ressort de la cou r d'appel est une limite raisonnable; elle rappelle d'ail. leurs l'élection de domicile que doit faire la caution. Le Projet reproduit la même limite, quoique les cours d'appel soient encore peu nombreuses au Japon et, par conséquent, très éloignées les unes des autres. Cette extension de distance est favorable à la caution.
Il y a encore similitude avec le Code français au sujet des immeubles litigieux, lesquels ne peuvent être proposés à la discussion, parce que le résultat en serait trop incertain; de même, pour les immeubles hypothéqués au créancier mais qui ont été aliénés; ici le motif est autre: sans doute, cette aliénation ne détruit pas la sûreté réelle résultant de l'hypothèque, car l'hypothèque donne un droit de suite contre le tiers détenteur qui, en principe, devra payer la dette ou se laisser exproprier (v. art. 1266); mais ce ne sera que sur une procédure fort lente et compliquée, car ce tiers détenteur, s'il n'est pas en même temps obligé personnellement à la dette, pourrait opposer lui-même au créancier poursuivant un bénéfice de discussion analogue et même préférable à celui de la caution (v. art. 1282). C'est donc ici pour éviter des pertes de temps et des frais que les immeubles aliénés sont exclus de la discussion.
51. Mais voici deux points sur lesquels le Projet est plus sévère pour la caution que le Code français.
1° Des immeubles du débiteur, remplissant d'ailleurs les trois conditions exigées plus haut, sont hypothéqués à d'autres qu'au créancier poursuivant et de façon à avoir la préférence sur lui, soit qu'il n'ait pas lui-même d'hypothèque, soit qu'il n'en ait qu'une postérieure en date et, par conséquent, inférieure en rang à celles des autres créanciers. Sans doute, dans ces deux cas, il n'est pas impossible qu'après la discussion et la vente forcée des immeubles hypothéqués, il reste des sommes libres qui pourraient être attribuées au créancier poursuivant; mais cette éventualité n'est pas assez probable pour motiver un sursis aux poursuites contre la caution.
2° Le débiteur a des biens mobiliers de diverses natures qui pourraient suffire à payer ses dettes; mais il est si facile à la caution de se faire illusion sur l'importance de ces biens et si facile aussi au débiteur de les détourner et de rendre vaine la poursuite du créancier que la loi n'autorise pas la caution, au moins en général, à renvoyer le créancier à discuter les meubles du débiteur.
La discussion des valeurs mobilières sera cependant possible s'il s'agit d'objets remis en gage au créancier. La loi est même rédigée d'une façon assez large (elle vise des " sûretés réelles ") pour que le créancier puisse être obligé de discuter des meubles sur lesquels il aurait un droit de rétention ou un privilége légal; par exemple, un bailleur à loyer ou à ferme qui aurait une caution pour les loyers ou fermages pourrait être tenu, avant de poursuivre celle-ci, de faire vendre les récoltes du fonds ou les meubles garnissant les lieux, lesquels sont affectés par la loi à sa garantie (art. 1152 à 1154).
52. Voici maintenant un point sur lequel le Projet est plus favorable à la caution que ne l'est le Code français: d'après l'article 2023 de ce Code, la caution qui requiert la discussion doit faire au créancier l'avance de sommes suffisantes pour les frais de poursuite et de discussion.
Il y a là, outre une entrave sérieuse à l'exercice du droit de discussion, une situation très défavorable à la caution qui fait les frais d'une procédure à laquelle elle ne prend pas part: il est à craindre que le créancier n'épargne pas suffisamment ces frais; de plus, il est difficile de savoir d'avance quels frais seront nécessaires et quel en sera le montant; enfin, et surtout, cette disposition se concilie difficilement avec celle qui, dans le cas d'un cautionnement défini et limité, ne met pas les frais à la charge de la caution (Comp. art. 1008 ci-dess. et c. civ. fr., art. 2016).
Le Projet n'y soumet pas la caution.