Art. 1020. — 46. Le bénéfice de discussion est de la nature du cautionnement, puisqu'il appartient à la caution sans avoir été stipulé, mais il n'est pas de son essence, il n'en est pas inséparable; la caution peut donc y renoncer; sans doute, le créancier exigera souvent cette renonciation, il en voudra faire une condition du contrat principal; mais la caution, avertie, par cela seul, de la rigueur qu'il veut lui imposer, aura pu refuser de s'y soumettre.
La renonciation au bénéfice de discussion n'a pas besoin d'être expresse: elle peut être tacite, pourvu qu'elle soit certaine; tel serait le cas où la caution aurait promis de " payer à première demande ou à présentation du titre ou de la quittance."
47. Une autre manière pour la caution de se priver du bénéfice de discussion est de ” s'engager solidairement avec le débiteur principal dans ce cas, de même qu'un débiteur solidaire ne peut, à l'échéance, refuser le payement immédiat et intégral, lors même que son codébiteur serait solvable pour sa part (v. art. 1054), de même la caution solidaire devra payer la totalité immédiatement; sans préjudice, bien entendu, des délais de grâce et du fractionnement de la dette pouvant être accordés par le tribunal, conformément au droit commun (art. 426).
Ce n'est pas à dire d'ailleurs que la caution solidaire soit, à tous autres égards, un codébiteur solidaire: elle est toujours une caution, et comme telle, elle ne peut s'obliger sous des conditions plus dures que le débiteur principal (art. 1006); de même lorsqu'elle a payé, elle a recours pour le tout contre le débiteur principal (v. art. 1030), tandis qu'un codébiteur solidaire supporte toujours une part dans la dette (art. 1064).
48. Enfin, la loi ne veut pas que la caution laisse le créancier s'engager dans des poursuites contre elle, pour se voir ensuite arrêté dans cette procédure et obligé d'en commencer une autre contre le débiteur. Le Projet ne dit pas cependant, comme le Code français (art. 2022), que le bénéfice de discussion doive être proposé par la caution Il sur les premières poursuites dirigées contre elle." Cela paraîtrait refuser à la caution le droit de contester tout d'abord sa qualité de caution, ce qui est' inadmissible; ce qu'il ne faut pas c'est que la caution puisse commencer par contester la dette principale au fond, ensuite, que, se voyant vaincue sur ce terrain, elle puisse renvoyer le créancier à poursuivre le débiteur principal.
Mais la caution pourra, d'après notre texte, contester d'abord sa qualité de caution: par exemple, nier son consentement, en alléguer un vice, soutenir qu'elle était incapable; puis, voyant ces moyens de défense rejetés, elle demandera au créancier de poursuivre le débiteur principal avant d'exiger d'elle le payement. Il serait impossible, en effet, d'astreindre la caution à opposer tout d'abord le bénéfice de discussion, car ce serait, de sa part, une reconnaissance implicite de sa qualité de caution et, en cas d'insolvabilité du débiteur, le créancier pourrait lui dénier le droit de contester sa qualité de caution.