Art. 1015. — 34. Cet article suppose le cas annoncé au n° 12: le débiteur ne pouvant encore fournir une caution au moment où s'est formé le contrat principal, alors pourtant que le créancier en faisait une condition de ce contrat, a promis de la fournir ultérieurement.
S'il s'agissait d'une caution fournie au moment même du contrat principal, le présent article ne s'appliquerait pas: le créancier serait considéré comme ayant accepté la caution dans les conditions où elle se trouvait; sans doute, sa solvabilité lui aurait parue suffisante; son domicile, éloigné ou non, ne l'aurait pas préoccupé; elle pourrait aussi devenir insolvable sans qu'il eût le droit d'en demander une autre.
Mais il n'en est plus de même lorsque le débiteur a promis de fournir une caution et lorsque le contrat principal a été conclu avant que le créancier en ait accepté une: il y a lien, dans ce cas, de pourvoir à son intérêt, comme aussi de prévenir trop d'exigeances de sa part. Deux conditions suffisent mais sont nécessaires.
35. 1° Il faut que la caution présentée en vertu de la convention soit “notairement solvable.” La loi n'exige pas, comme le Code français (art. 2019), que la caution ait des propriétés foncières; elle se contente même, à défaut de la notoriété, de ce que la solvabilité soit “ facile à établir," car la notoriété est un fait indépendant de la caution: elle peut être nouvellement domiciliée dans la localité ou vivre très-retirée; on suppléera donc à la notoriété par des preuves évidentes.
Le Code français (ibid.) excepte de sa condition rigourense les dettes commerciales et les dettes modiques; le Projet, n'adoptant pas un point de départ aussi rigoureux, n'a pas à formuler les mêmes exceptions: en cas de contestation, c'est aux tribunaux qu'il appartiendra de décider si la solvabilité de la caution est suffisante, et ce n'est pas compliquer la situation, car, même avec le Code français, il faudra que les tribunaux interviennent, s'il y a désaccord entre les parties sur la solvabilité de la caution.
Si la caution ainsi fournie devient insolvable, le débiteur doit en fournir une autre.
La disposition semblable du Code français (art. 2020) est conçue dans des termes assez généraux pour qu'on puisse soutenir qu'elle s'applique dans tous les cas, même lorsque la caution a été fournie au moment de la formation du contrat principal. Nous hésiterions beaucoup à admettre cette interprétation; nous sommes porté à croire que le Code est resté dans l'ordre d'idées qui commence avec l'article 2018 et qui est celui où nous sommes ici (v. aussi no 37, ci-après, in fine).
Quoi qu'il en soit du Code français, le Projet ne laissera aucun doute sur le caractère exceptionnel de ce supplément de cautionnement, au cas d'insolvabilité survenue.
36. 20 Il faut que la caution ait ou élise un domicile dans le ressort de la cour d'appel où le payement doit être fait; cette condition a pour but de ne pas rendre les poursuites trop difficiles au créancier; c'est aussi un moyen pour lui de se tenir plus facilement au courant de l'état de solvabilité de la cantion. Il va de soi que cette obligation de domicile est permanente et que si la caution change de domicile réel ou élu, le nouveau clomicile doit remplir la même condition de lieu.
37. Les règles qui précèdent sont écrites pour le cas où le créancier a stipulé qu'il lui serait fourni une caution, sans la désigner davantage; mais s'il a stipulé l'engagement d'une personne déterminée, alors on se trouve dans le même cas que si, al moment de la signature du contrat principal, il avait accepté cette même personne: il ne peut ni discuter, ni critiquer la solvabilité actuelle de la caution qu'il a obtenue suivant son désir; il ne pourra se plaindre si l'insolvabilité survient; enfin, quelque éloigné que soit le domicile de cette caution, ou si elle vient à en changer, il n'a pas lieu de réclamer: les conventions sont la loi des parties.
Cette distinction qui se trouve aussi dans le Code français (art. 2020, 2e al.) nous fournit un nouvel argument pour soutenir que l'obligation de fournir une caution supplémentaire, au cas d'insolvabilité survenue chez la première, ne s'applique pas quand il s'agit d'une caution reçue au moment même de la formation du contrat principal: dans les deux cas, le créancier a accepté le risque.
Le présent article est formellement écrit pour le cas où la caution est due en vertu d'une convention; mais, dans l'Appendice, il sera déclaré applicable au cantionnement ordonné par la loi ou par jugement (voy. art. 1047).