Art. 947. — N° 778. Le Code français, en énumérant les causes qui mettent fin au mandat (art. 2003), en a omis quelques-unes, comme allant de soi, sans doute; ici, elles sont énoncées pour mémoire, en passant et, en quelque sorte, en dehors de l'énumération principale.
Il est clair que le mandat cesse par l'exécution que lui a donnée le mandataire; c'est, en réalité, l'extinction de son obligation par le payement; or, le payement est la cause d'extinction la plus naturelle et, " comme elle est commune à toutes les obligations, il est permis de l'omettre ici. Du reste, l'exécution du mandat y met tin, lors même qu'elle ne se. lit pas conforme à sa teneur; il en pourrait résulter une obligation pour le mandataire d'indemniser le mandant, mais le contrat n'aurait pas moins pris fin; de même, le mandant pourrait avoir à indemniser le mandataire de ses frais et dépenses, mais le contrat de mandat ne continuerait pas et il n'engendrerait plus, dans l'avenir, aucun droit ni aucune obligation respectivement.
A côté de l'exécution du mandat, la loi mentionne encore l'impossibilité de l'exécution, comme la perte de la chose à gérer: il est clair qu'elle met fin au mandat, de même qu'à toute autre obligation de faire (v. art. 561).
Le terme mettra fin au mandat, quand il aura été convenu que le mandataire gérera les affaires du mandant pendant un temps déterminé: ce sera le terme dit "final " (dies ad quem): lors même que le mandataire n'aurait pas géré pendant tout le temps COllvenu, le mandat n'en cesserait pas moins pour l'avenir.
779. La loi ne pouvait guère mentionner le terme sans y joindre la condition; mais cette condition, que la loi ne qualifie pas, n'est ni suspensive ni résolutoire du mandat lui-même: elle en est plutôt extinctive.
Et d'abord il ne peut être question ici d'une condition suspensive du mandat, car son accomplissement, au lieu de mettre fin au mandat, l'aurait fait commencer, et si elle avait défailli le mandat n'aurait pas cessé: il aurait manqué de naître; ce ne peut être non plus une condition résolutoire dont l'accomplissement aurait rétroactivement détruit le mandat, de sorte que ce qui aurait été fait en vertu dudit mandat deviendrait non avenu; un tel résultat serait inadmissible: personne ne voudrait traiter avec un mandataire dont les pouvoirs seraient soumis à une telle éventualité. La condition dont il s'agit ici sera un événement incertain dont on a entendu faire dépendre la cessation du mandat; elle est suspensive de l'extinction, c'est pourquoi nous l'avons qualifiée de condition extinctive du mandat et elle différera encore du terme par son caractère incertain ou éventuel: ainsi quelqu'un, partant pour un voyage, donne mandat à un de ses amis de gérer ses affaires ou quelques-uns de ses intérêts; mais il a un proche parent malade ou absent lui-même dont il espère la guérison ou le retour, et il préférerait que ce fût celui-ci qui gérât plutôt que son ami; dès lors, il stipule que le mandat prendra fin si son parent guérit ou revient: ce n'est pas un terme, parce que l'événement est incertain et aléatoire: c'est une condition; mais ce n'est pas une condition rétroactivement résolutoire: elle est seulement extinctive pour l'avenir.
Si l'on objectait que cette troisième espèce de condition n'a pas été annoncée quand on a exposé la théorie générale de la condition (v. art. 428), et qu'on n'en a alors signalé que deux sortes, nous répondrons: d'abord, qu'il ne s'agissait alors que des conventions et des obligations en général,' et que nous sommes ici dans un contrat particulier; ensuite, que la loi a réservé expressément l'interprétation des conventions, au sujet de l'effet des conditions, d'après l'intention des parties (v. art. 438) et c'est justement sur l'intention présumée des parties que nous fondons cet effet seulement extinctif du mandat, attaché ici à la condition.
La loi ne mentionne pas, même en la forme incidente du 1er alinéa, la confusion de la qualité de mandant et de mandataire en la même personne, par l'effet de la succession de l'une des parties à l'autre, ou d'un tiers à toutes deux (art. 556): il est clair que, dans ces cas, le mandat n'existerait plus.
780. Reprenons maintenant les quatre causes d'extinction plus spéciales au mandat:
1. La révocation par le mandant.
Généralement, les contrats ne peuvent prendre fin par la volonté d'une seule partie: œuvre de deux volontés, ils ne peuvent être détruits que par les deux mêmes volontés; mais cette règle comporte des exceptions que l'article 348, 2e al. avait déjà annoncées.
C'est ainsi que nous avons vu que le déposant peut reprendre le dépôt quand il lui plaît et que l'emprunteur à usage peut toujours rendre la chose prêtée. En effet, quand un contrat, bien qu'étant l'oeuvre de deux parties, n'est dans l'intérêt que d'une seule, il est naturel que celle-ci puisse y mettre fin quand elle le juge à propos.
Le mandat, en général, n'est utile qu'au mandant. il est donc naturel que celui-ci puisse renoncer à s'en prévaloir, le révoquer, retirer les pouvoirs qu'il a donnés, soit parce qu'il peut présentement gérer luimême ses affaires, soit parce qu'il a trouvé un mandataire qui lui inspire plus de confiance. Il n'est pas obligé de donner de motifs de la révocation et, par cela seul que ces motifs peuvent être très variés, ils n'ont rien de désobligeant pour le mandataire.
L'article 948 apporte une seule limite au droit de révoquer le mandat et les articles 949, 950 et 951 donnent quelques développements sur cette première cause de cessation du mandat.
781. II. Renonciation par le mandataire.
Le mandataire rend un service, même quand il reçoit un salaire; on ne peut donc le traiter avec la même rigueur que celui qui est lié par un contrat onéreux, comme par exemple, celui qui loue ses services; aussi peut-il toujours renoncer au mandat, c'està-dire s'affranchir de l'obligation de le remplir. Cela est d'autant plus naturel qu'il s'agit alors d'une obligation de faire et que personne ne peut être contraint d'accomplir un fait déterminé (v. art. 402 et T. Il, n° 298); à plus forte raison, s'il s'agit de faits successifs, variés comme ceux que le mandat a pour objet et qui requièrent de la bonne volonté, des soins et de l'intelligence. Lors même qu'il s'agirait d'un louage de services, la renonciation serait encore admise, pour le même motif, mais alors sous une plus sévère responsabilité du renonçant, comme on le verra au Chapitre suivant (v. art. 958).
La renonciation du mandataire au mandat n'est d'ailleurs libre que si elle ne cause aucun préjudice au mandat ou si elle est fondée sur une cause légitime, comme on le verra aussi sous l'article 952.
782. III. La mort, la faillite, la déconfiture ou l'interdiction de l'une des deux parties mettent fin au mandat, pour des causes, sinon semblables, au moins voisines.
Pour la mort, cela est nécessaire: il y a confiance du mandant envers le mandataire, cette confiance ne s'étend pas nécessairement à ses héritiers; de même, le mandataire a bien voulu rendre service au mandant, mais il peut n'avoir pas les mêmes raisons de rendre service aux héritiers de celui-ci; le contrat est formé, pour lui, en considération du mandant et non des avantages qui en résultent pour son patrimoine.
La faillite et la déconfiture mettant celui qui tombe en cet état dans l'impossibilité de remplir ses obligations, on comprend que ce soit une raison de ne pas prolonger davantage celles qui résultent du mandat entre les parties respectivement.
Enfin, l'interdiction, soit judiciaire pour démence, soit légale par l'effet d'une condamnation criminelle, doit empêcher le mandataire qui en est frappé de continuer pour autrui une gestion qu'il ne pourrait garder pour lui-même; et si c'est le mandant qui est interdit, la gestion de ses biens passe à un tuteur; elle ne peut donc subsister en la personne de celui qu'il en avait chargé.
783. IV. Cessation de la qualité en vertu de laquelle le mandat a été constitué.
Il a pu arriver que le mandat ait été conféré par un tuteur ou par un autre administrateur des biens d'autrui, même par une personne mandataire elle-même, ainsi qu'on l'a vu à l'article 931.
Dans ces divers cas, si la qualité de tuteur, d'administrateur ou de mandataire cesse chez celui qui a constitué ce mandat secondaire et, pour ainsi dire, subsidiaire, le mandat cesse avec la qualité qui en a étéla cause.
Il en serait de même si un mandat (originaire cette fois) avait été donné à quelqu'un en vertu d'une qualité particulière qui viendrait à cesser: par exemple, à un co-associé, à un co-propriétflire du mandant, a un banquier, à un avocat (o.).
Dans les divers cas mentionnés aux nos 3 et 4 du présent article, il semble, au premier abord, qu'on aurait pu, à la rigueur, se contenter de la faculté de révoquer, chez le mandant, et de renoncer, chez le mandataire; mais il y a, pour ces deux cessations du mandat, des limites et des conditions qu'il n'eût pas été juste d'étendre au cas de mort ou de changements dans la condition des personnes: les événements ici prévus sont assez graves pour suffire par eux-mêmes à mettre fin au mandat, sans aucune manifestation de volonté des personnes et sans limites ou conditions.
Du reste, les trois derniers articles (953 à 955) présentent quelques dispositions protectrices de la bonne foi des parties et de leur ignorance légitime desdits événements.
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(a) En France, les avocats ne sont, pas autorisés à accepter fie mandats; mais an Japon cette prohibition n'existe pas, an moins quant à présent.