Art. 959. — 798. La disposition du présent article s'écarte de la rigueur des principes par raison d'humanité. La dérogation au droit commun est double:
1° La cause qui met fin au contrat de louage étant “légitime et impérieuse,” il semble qu'on devrait la considérer comme une force majeure et qu'aucune indempité ne devrait être réclamée de part ni d'autre; cependant une indemnité peut être due;
2° Du moment que la cause n'est pas considérée comme absolument majeure, l'indemnité devrait être exigible de la partie en la personne de laquelle survient cette cause, sans distinction entre le maître ou patron et le serviteur ou employé.
Mais la loi doit considérer la différence de dommage qu'éprouve chaque partie d'une résiliation anticipée du contrat: le maître ou le patron trouvera facilement à remplacer son serviteur ou employé, à toute époque de l'année, tandis que celui-ci aura de la peine à trouver un nouvel emploi aux époques où il n'est pas d'usage d'engager les serviteurs, gens de journée ou employés. Il y a, en effet, toujours plus de services disponibles et offerts que de maîtres ou de maisons qui en demandent.
Toujours par motif d'humanité envers une classe peu fortunée de la société, la loi ne veut pas qu'une cause de résiliation qui n'est pas nécessairement et absolument majeure prive subitement un serviteur, un ouvrier ou un employé de moyens d'existence sur lesquels il pouvait raisonnablement compter. Sans doute, il ne sera pas question de “ dommages-intérêts” proprement dits, lesquels supposent une faute du débiteur; mais la loi peut employer l'expression “d'indemnité” qui répond mieux à l'idée de compensation d'un mal même accidentel (b).
Le tribunal n'aura à intervenir que si les parties ne sont pas d'accord, et la loi dit qu'il “tiendra compte des circonstances.”
Ainsi, l'indemnité du serviteur ou de l'employé sera plus forte si c'est la faillite ou la déconfiture du maître ou patron que si c'est sa mort qui met fin au louage de services, parce qu'on est plus près de la faute au premier cas qu'au second; le tribunal accordera aussi une plus forte indemnité si l'on est loin de l'époque des engagements annuels que si l'on en est proche.
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(b) C'est ainsi qu'on emploie l'expression d'indemnité, et non celle de dommages-intérêts, en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (v. art. 32 et 112) et d'assurances (v. art. 94, 95, 111, 839, 843, etc.).