Art. 827. — 542. Il nous reste à parler du décès du titulaire, comme mode d'extinction de la rente.
Par titulaire nous entendrons, soit le rentier luimême, soit le tiers sur la tête duquel la rente reposerait, quant à sa durée, conformément à l'article 816.
Le présent article nous dit que la cause du décès n'est pas à considérer, en principe, sauf ce qui a été dit à l'article 818 du décès dans les soixante j ours de l'acte constitutif, par l'effet d'une maladie dont le titulaire était déjà atteint et sauf aussi l'exception portée ci-après. Ainsi, le titulaire est mort le lendemain de l'acte constitutif, victime d'un accident ou d'un crime: la rente est éteinte sans indemnité pour le crédi-rentier ou pour ses héritiers, si c'est lui qui est décédé; ainsi, encore, le titulaire est mort dans un duel, ou par un suicide, ou par l'effet d'une sentence criminelle: dans ces derniers cas, qui seraient très importants à considérer s'il s'agissait d'une assurance sur la vie (voy. Section suivante, art. 869) le droit de rente est perdu et il y a d'autant moins lieu de songer à une indemnité en faveur des héritiers du décédé, lorsqu'il était lui-même le crédi-rentier, que, dans les trois cas, le décès est l'effet de la faute de leur auteur.
543. Mais il y a une exception nécessaire, si le décès est dû à " une cause illégitime et imputable au débiteur des arrérages. "
Il n'est pas sans exemple, malheureusement, dans les pays où la rente viagère est usitée, que le débiteur cherche à s'affranchir de la charge des arrérages ou d'une pension alimentaire, en abrégeant par un crime la vie du créancier.
Il est clair que, s'il est découvert, son crime, indépendamment de la peine criminelle encourue, ne peut lui profiter. D'un autre côté, la vie du titulaire ne peut plus servir de mesure au payement des arrérages; on se trouve donc embarrassé pour assigner au service de la rente, en faveur des héritiers de la victime, une durée qui ne soit pas arbitraire.
Le Projet fait sagement de régler ce point,.
En même temps, on prévoit d'autres cas qu'un crime, et, en effet, il y en a d'autres où le débiteur peut être responsable du décès du titulaire de la rente, sans être un meurtrier: il suffit, comme dit le texte, que la cause du dècès ”soit illégitime et lui soit imputable. " Le débiteur ne serait donc pas responsable, s'il avait donné la mort au titulaire étant en état de légitime défense, ou par l'ordre de la loi ou de l'autorité légitime.
Il ne serait pas responsable non plus si le décès ne lui était pas imputable à faute; par exemple, s'il avait donné la mort, étant en état de démence ou contraint par une force majeure, dans un péril pour sa propre vie.
Mais s'il a donné la mort en duel, ou dans une rixe, même sans avoir eu d'intention homicide, le décès lui est imputable et il est responsable. Le texte est même assez large pour comprendre le cas d'homicide par im.. prudence; car, si le débiteur n'est, dans ce cas, soumis qu'à une peine correctionnelle légère, il est juste encore que sa faute ne l'enrichisse pas. A plus forte raison, la cause du décès serait-elle illégitime et imputable au débiteur, si étant meurtrier, il n'était que dans un cas d'excuse légale qui laisse encore une assez grave application de la loi pénale.
543 bis. Il restait à savoir comment seraient réglés les droits des héritiers de la victime.
Le Projet fait, à cet égard, une distinction.
Si la rente était la contre-valeur d'une acquisition à titre onéreux ou la charge d'une libéralité, la peine civile du coupable et l'indemnité des parents de la victime seraient la résolution du contrat onéreux ou gratuit et, par suite, la restitution des valeurs reçues; la loi ajoute, comme déjà dans le cas moins grave de l'article 826, "sans répétition d'aucune partie des arrérages payés."
Mais s'il s'agit d'une rente viagère directement donnée ou léguée, sans que le débiteur (qui est le constituant ou son héritier) ait rien reçu, il est clair qu'il ne peut pas être question de l'atteindre par une résolution. La loi alors l'oblige à servir la rente pendant un temps que le tribunal fixera comme étant la durée la plus longue probable de la vie du titulaire: le tribunal tiendra compte de l'âge qu'il avait déjà, de sa santé connue, en un mot, de ses chances de longévité.