Art. 728, 729 et 730. -302. Ces articles et les deux qui suivent règlent l'exercice du retrait dans des circonstances particulières. Si l'on y cherche un principe, commun et dominant, on verra que la loi craint surtout que la propriété ne soit divisée par l'effet du retrait au-delà de ce que les parties ont pu prévoir ou au-delà de ce qui est juste.
Les articles 728, 729 et 730 ont pour point de départ la vente à retrait d'une portion indivise d'immeuble (c), telle qu'une moitié, un tiers, un quart, et il est supposé que, pendant le délai stipulé pour le retrait, il y a eu partage ou licitation: cela doit naturellement influer sur le mode d'exercice du retrait.
Notons d'abord un cas où la loi n'a pas à se prononcer, parce qu'il ne peut faire de difficulté. Si,-au jour où le vendeur veut exercer le retrait, les choses sont restées dans le même état, s'il n'y a eu aucune opération de partage entre l'acheteur et les autres copropriétaires, le vendeur reprend sa part indivise, purement et simplement, et il redevient copropriétaire avec ceux-ci.
Mais voici des distinctions que la loi ne pouvait négliger:
1° Il peut y avoir eu licitation ou partage en nature;
2° La licitation peut avoir été provoquée contre l'acheteur ou par lui (art. 728);
3° L'adjudication peut avoir été prononcée en faveur de l'acheteur (art. 728) ou en faveur d'un des autres propriétaires ou même d'un tiers (art. 729);
4° Le partage par licitation ou en nature peut avoir été fait avec ou sans la participation du vendeur (art. 729 et 730).
Nous reprendrons ces hypothèses dans l'ordre de nos trois articles.
303. Ire Hypothèse. Le partage a été demandé ou provoqué contre l'acheteur à retrait par l'un des propriétaires; le partage n'ayant pu se faire en nature, il a dî:t être procédé à la licitation de l'immeuble, c'està-dire à sa mise aux enchères publiques pour en partager le prix (v. art. 751); sur quoi, l'acheteur, désirant conserver ce qu'il avait acquis, s'est porté surenchérisseur et est devenu adjudicataire de la totalité. C'est l'objet de. l'article 728, 1er alinéa.
Remarquons d'abord que le vendeur ne peut critiquer la licitation sous le prétexte qu'elle a eu lieu avant l'expiration du délai qu'il avait stipulé pour le retrait: la vente avec stipulation de retrait n'a pu suspendre ni entraver le droit des copropriétaires de proyoqner à toute époque le partage du bien commun; une convention entre les copropriétaires aurait pu. seule avoir cet effet, pour cinq ans au plus (v. art. 39 et 40), et elle n'a pas eu lieu. Mais le vendeur conserve son droit au retrait contre l'acheteur devenu propriétaire de la totalité du bien par l'effet de l'adjudication.
Il restait à savoir si le vendeur pourrait n'exercer le retrait que pour la part qu'il a vendue ou s'il devrait l'exercer pour le tout. C'est cette dernière solution que donne le Projet, conforme en cela au Code français (art. 1667); on remarque, en effet, que ce n'est pas par l'acheteur à retrait que le partage a été demandé: il l'a été contre lui; l'acheteur avait le droit de chercher à conserver légalement la part à lui vendue; pour cela, il lui a fallu acquérir le tout, il a dû payer, comme prix de licitation, la valeur des portions qu'il n'avait pas; c'est là une dépense nécessaire, faite pour la conservation de la chose; elle doit donc lui être remboursée avec son prix d'achat originaire et il restituera ainsi tout le bien au vendeur; si le vendeur ne veut ou ne peut faire cette dépense, il est déchu de son droit au retrait. Bien entendu, il ne sera obligé de se prononcer qu'à la limite du délai fixé pour le retrait.
304. Le 2e alinéa de l'article 728 tranche une question sur laquelle le Code français est muet. Il ne suffit pas de dire que le vendeur ne peut exercer le retrait partiel si l'acheteur s'y oppose, il faut encore savoir si l'acheteur pourrait s'opposer au retrait total. On comprendrait, en effet, que l'acheteur désirât garder la part indivise que la licitation lui a fait acquérir et prétendît ne rendre que celle qu'il tient de la vente à retrait. Mais la loi ne doit pas admettre cette prétention; ce serait donner à l'acheteur tous les avantages si l'acquisition totale lui semblait mauvaise, il obli gérait le vendeur à la prendre à sa charge; si elle lui paraissait avantageuse, il en conserverait une portion; il est contraire à la nature des contrats bilatéraux de créer de pareilles inégalités de droits entre les parties. Le retrait total est une obligation pour le vendeur, mais il est aussi un droit pour lui et c'est une obligation pour l'acheteur de le subir. Pour qu'il y eût retrait partiel, il faudrait que les deux parties y consentissent.
305. IIe Hypothèse. Ce n'est pas contre l'acheteur à retrait que le partage a été provoqué, mais par lui, et c'est encore lui qui, sur la licitation, s'est porté adjudicataire de la totalité. Le cas est réglé par les deux derniers alinéas de l'article 728.
Ici, on ne peut plus dire qu'en achetant le tout, l'acheteur a fait une dépense nécessaire pour la conservation de la part indivise qui lui avait été vendue: c'est lui qui a donné lieu à la licitation, il n'a pas pu aggraver par là la position de son vendeur; celui-ci pourra donc n'exercer le retrait que pour la part qu'il a vendue.
Mais, par contre, il ne pourra pas exercer le retrait total si l'acheteur s'y oppose. C'est toujours le principe d'égalité des droits et avantages.
306. On n'a pas distingué, pour la solution des deux hypothèses qui précèdent, si le vendeur avait ou non été mis en cause dans la licitation, soit par l'acheteur à retrait, soit par les autres copropriétaires. Cette mise en cause, fondée sur le droit éventuel du vendeur, sera très importante, au contraire, quand il s'agira des rapports du vendeur avec les copropriétaires; mais on va voir que les deux principales décisions de l'article 728 (l" et se alinéas) ne doivent pas être modifiées par la présence ou l'absence du vendeur aux opérations de licitation, justement parce qu'il ne s'agit encore que des rapports du vendeur avec l'acheteur et non de ses relations avec les tiers, lesquelles sont l'objet de l'article suivant.
Dans la lro hypothèse, il est clair que si le vendeur a été mis en cause, il ne peut se refuser à reprendre la chose entière, en remboursant à l'acheteur le prix de licitation: l'opération faite en sa présence, provoquée, non par l'acheteur, mais contre lui, ne peut être l'objet d'aucune critique de sa part; s'il n'avait pas vendu à retrait, s'il était resté propriétaire, il n'aurait pu, sur la licitation provoquée contre lui, acquérir la chose autrement que pour le tout, puisqu'il s'agissait de faire cesser l'indivision.
Dans le même cas, si le vendeur n'a pas été mis en cause, la solution doit encore être la même; en effet, le vendeur ne pourrait alléguer que son absence lui a nui, sans alléguer aussi qu'il se serait porté surenchérisseur et adjudicataire; or, il a justement le droit de prendre l'adjudication pour lui et à un moment plus favorable, puisqu'il a eu, outre le temps de la réflexion, l'occasion de voir si la chose tendait à gagner en valeur, et enfin la facilité de réaliser les fonds nécessaires à l'acquisition totale.
Dans la 2e hypothèse, où c'est l'acheteur qui a provoqué la licitation et s'est porté acquéreur, la décision du texte qui autorise le retrait partiel n'est pas non plus modifiée par l'absence ou la présence du vendeur: s'il n'a pas été mis en cause, cette circonstance, si elle était prise en considération, ne pourrait qu'être défavorable à l'acheteur, puisque c'est lui qui, ayant provoqué la licitation, a négligé d'y appeler le vendeur; et, lors même que le vendeur aurait été mis en cause, il pourrait toujours se refuser à un retrait total, car il lui suffirait d'alléguer que c'est parce qu'il ne voulait pas se rendre acquéreur de la totalité qu'il ne s'est pas porté surenchérisseur lors de la licitation; or, l'acheteur n'a pas pu, par son fait, empirer la condition du vendeur.
Passons maintenant à l'hypothèse où, au contraire, il importe beaucoup de savoir si le vendeur a été appelé à la licitation.
307. IIIe Hypothèse. L'adjudication a été prononcée au profit d'un des copropriétaires ou au profit d'un étranger, car on peut toujours et quelquefois même on doit admettre les étrangers à concourir aux enchères (v. C. fr., art. 1687). Deux cas sont à distinguer.
Ie r C as. Le vendeur n'a pas été mis en cause: on a ou le tort de ne pas tenir compte de ses droits éventuels; il peut critiquer le résultat obtenu et dire que, s'il avait été présent, il se serait porté surenchérisseur; il peut dire aussi qu'il aurait appelé des étrangers, si cela n'a pas été fait. Assurément, la licitation faite sans lui ne peut lui être opposable, elle ne peut lui ôter le droit d'exercer le retrait contre l'arljudicataire considéré comme l'ayant-cause de son acheteur; or, celui-ci n'a pu conférer un droit irrévocable, lorsque le sien même était sujet à résolution.
2e Cas. Le vendeur a été mis en cause: il a pu se porter surenchérisseur; s'il ne l'a pas fait, faute d'argent ou pour toute autre cause, il ne peut en faire souffrir l'adjudicataire; il ne peut pas se prévaloir du délai qu'il avait stipulé pour l'exercice du retrait, parce que cette convention n'est pas opposable aux autres copropriétaires. Il est donc déchu de tout droit contre l'adjudicataire.
308. Conserve-t-il le droit d'exercer une sorte de retrait contre son acheteur, en lui offrant le prix qu'il a reçu de lui pour recevoir du même le prix de licitation? Ainsi, il avait vendu pour 1000 yens sa part indivise, une moitié, par exemple; lors de la licitation totale pour le prix de 2400 yens, l'acheteur à retrait a reçu 1200 y., comme étant sa part dans le prix d'adjudication; le vendeur peut-il rapporter 1000 y., pour en recevoir 1200 ?
Certains auteurs le soutiennent; mais il nous semble que c'est une erreur.
D'abord, si nous nous replaçons dans le cas. où le vendeur n'a pas été appelé à la licitation et où, par conséquent, il peut exercer son droit de retrait contre le tiers adjudicataire, il est certain qu'alors il ne peut cumuler deux droits de retrait, l'un sur la chose même, l'autre sur le prix de licitation. Le cas est le même que dans la vente à retrait d'une chose entière, si l'acheteur a revendu cette chose dans le délai, là où. le vendeur peut la suivre contre les sous-acquéreurs, il est incontestable que le vendeur ne pourrait, négligeant le droit de suite, venir réclamer à l'acheteur le prix qu'il a payé originairement. Or, nous soutenons qu'il ne le peut davantage quand il a perdu le droit de suite, ce qui arrivera, non seulement dans le cas d'une licitation à laquelle il a été admis, mais même dans le cas d'une revente ordinaire à laquelle, appelé par son acheteur, il aurait consenti à concourir pour préserver les tiers de l'éviction.
Dans le cas présenté ci-dessus, si le vendeur pouvait exercer le retrait sur le prix de licitation touché par l'acheteur (1200 y.), en lui remboursant le prix de la vente à retrait (1000 y.), autant vaudrait dire qu'il peut demander purement et simplement 200 y. à l'acheteur, ce qui n'est pas exercer le retrait; les conditions du contrat seraient tout-à-fait changées: le vendeur n'aurait besoin d'aucune somme d'argent disponible pour exercer le retrait, toutes les bonnes chances seraient pour lui et toutes les mauvaises pour l'acheteur; la plus ou moins-value que la chose pourrait obtenir ou subir serait désormais sans influence sur le retrait et, de même, le bon ou mauvais état des affaires du vendeur.
Cette prétention du vendeur serait également inadmissible, s'il y avait eu expropriation pour cause d'utilité publique: l'acheteur qui aurait reçu l'indemnité ne serait pas obligé de la verser au vendeur contre la restitution de son prix d'achat: l'expropriation est un fait de l'autorité qui produit pour les parties l'effet d'une force majeure, mettant fin aux rapports de droit privé existant au sujet de la chose désormais retirée du commerce.
Même solution encore si la chose vendue à retrait avait été détruite par un incendie et que l'acheteur eût touché le montant de la somme assurée ou eût reçu une indemnité de l'auteur de la faute; dans ces deux cas, le droit de retrait serait perdu pour le vendeur, toujours par le même motif qu'on ne peut plus racheter ou recouvrer par la résolution une chose qui a péri; et, lors même que l'acheteur en aurait reçu un équivalent, ce n'est pas cet équivalent, c'est la chose même, qui a été l'objet de la clause de retrait ou de résolution.
309. IVe Hypothèse. Ici on ne suppose plus qu'il ait été nécessaire de faire une licitation: la chose indivise a pu se partager en nature et chacun des copropriétaires en a reçu une portion divise; s'il n'a pas été possible de mesurer exactement les parts sur la quotité des droits de chacun, on a parfait les comptes au moyen de soultes ou retours de lots payés par ceux qui ont reçu plus à ceux qui ont reçu moins.
Cette hypothèse n'est prévue, à notre connaissance, ni par le Code français ni par les autres Codes étrangers.
On ne pouvait appliquer ici, purement et simplement, les mêmes solutions qu'au cas de licitation: il paraît notamment préférable de s'attacher moins au point de savoir si le partage a été provoqué par l'acheteur ou contre lui qu'au point de savoir si le vendeur y a été ou non appelé, en vertu de son droit éventuel.
1er Cas. Le vendeur a été appelé au partage: il a pu d'abord saisir cette occasion d'exercer immédiatement le retrait de la part qu'il avait vendue, et alors, l'acheteur étant écarté, le partage s'est fait entre le vendeur et ses copropriétaires; l'opération restera nécessairement irrévocable.
Si le vendeur n'était pas en mesure de pouvoir rembourser son acheteur, sa présence au partage lui aura encore été utile: il aura pu démontrer que la licitation n'était pas nécessaire et que le partage en nature était possible; ce premier point obtenu, il a pu veiller à ce que les lots fussent formés égaux ou inégaux, conform ci lient aux droits de chacun, et spécialement, si, à raison de leur inégalité, ils ne pouvaient être tirés au sort, il aura empêché que le lot attribué à son acheteur fût trop faible en nature, même avec un complément en argent, ou trop considérable, à charge d'une sou1tc dont le payement lui serait un jour trop onéreux.
L'opération, une fois ainsi faite, sera encore irrévocable à l'égard des autres copropriétaires; mais elle ne le sera pas à l'égard de l'acheteur: si le vendeur désire exercer le retrait, il le pourra, en retirant la portion divise échue à son acheteur, laquelle représente la part indivise qui a été vendue.
La loi ajoute que si l'acheteur a dû payer une soulte, parce que son lot excédait l'étendue de sa part, le vendeur remboursera cette soulte: c'est une dépense nécessaire, comme le prix de licitation dont parle l'article 728. En sens inverse, si l'acheteur a reçu une soulte, à cause de l'insuffisance de son lot, le vendeur la recevra avec le lot, ou la fera entrer en déduction du prix de vente qu'il doit restituer.
2° Cas. Le vendeur n'a pas été appelé au partage: d'abord on ne peut lui refuser le droit de le ratifier; les choses se passeront alors comme dans le cas précédent. Mais s'il ne ratifie pas le partage, l'opération ne lui sera opposable par personne, pas même par son acheteur qui, s'il n'a pas provoqué le partage, a au moins eu le tort de n'y pas appeler le vendeur. Celui-ci commencera donc par exercer le retrait, c'est-à-dire par rendre à l'acheteur le prix qu'il en a reçu et, rentrant par là dans la part indivise qu'il avait vendue, il provoquera un nouveau partage contre ses copropriétaires.
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(c) Le texte suppose qu'il s'agit " d'immeuble," comme étant le cas le plus vraisemblable; mais le retrait peuvent s'appliquer également aux meubles, sauf les droits des tiers (voy. art. 724, 2e a1.), l'immeuble n'est pris ici que comme exemple du quod plerumquejtt.