Art. 718. — 2. 82. Indépendamment du droit de rétention déjà rencontré et de la résolution dont il va être traité à la Section suivante, le vendeur jouit encore d'un privilége sur la chose même qu'il a vendue, dt-, sorte que, si l'acheteur ne le paye pas et si le vendeur ne désire pas recouvrer la propriété de sa chose, il peut en requérir la vente aux enchères publiques, pour être payé sur le prix par préférence aux autres créanciers de l'acheteur.
Pour que ce droit ait tout son effet utile, il faut qu'il puisse être opposé aux tiers, c'est-à-dire aux créanciers de l'acheteur et à ceux auxquels la chose pourrait avoir été revendue. Or, les droits réels ne peuvent être opposés aux tiers que s'ils ont reçu une publicité suffisante, par la transcription de l'acte qui leur donne naissance ou par une inscription directe et spéciale.
C'est encore au Livre IVe que cette publicité sera organisée, en ce qui concerne le privilége du vendeur, et l'on y verra que le droit de résolution est soumis à la même publicité (v. aussi, ci-après, n° 288).
Si les formalités prescrites pour rendre les droits (111 vendeur opposables aux tiers n'ont pas été observées, celui-ci pourrait se trouver " en danger de perdre la chose et le prix," pour employer les expressions du Code français (art. 1655). Mais la loi lui permet de requérir lui même la transcription pour assurer son privilége et son droit de résolution contre les tiers (2).
Même avec cette précaution, il ne serait pas juste que l'acheteur pût, à la faveur des lenteurs de la procédure de purge ou des actions réelles prévues à l'article 716, retarder le payement du prix, dissiper ses biens ou peut-être les dissimuler, la loi permet donc au vendeur de requérir la consignation du prix à la caisse publique (v. art. 495 et s.).
Cette mesure, qui est une innovation, sera encore utile au vendeur lorsque, dans le cas de l'article 716, il ne pourra fournir caution pour toucher le prix.
La consignation devra se faire au nom des deux intéressés, afin que l'un d'eux ne puisse retirer les sommes consignées sans le consentement et le concours de l'autre. Comme conséquence, il faut admettre aussi que ces sommes ne pourraient être l'objet d'une saisie-arrêt de la part des créanciers de l'une ou de l'autre partie, ou au moins la saisie s'arrêterait aux mesures conservatoires, sans distribution des deniers: autrement, la consignation ne produirait plus la sécurité que chaque partie doit y trouver. Ce n'est que lorsque les diverses procédures seront terminées que les sommes seront rendues à qui de droit et, en cas de contestation, le tribunal statuera.
283. Comme cette situation comporte diverses issues, nous les indiquerons sommairement:
1er Cas. C'était une action réelle qui, d'après l'article 716, avait motivé un sursis au payement; le vendeur n'avait pas pu fournir caution de restituer le prix, de sorte qu'il n'avait pu le toucher, mais il en avait exigé la consignation; il a ensuite fait cesser le trouble: le danger d'éviction étant écarté, il retirera le prix consigné, soit en vertu d'une autorisation de l'acheteur, soit en vertu d'une décision du tribunal.
2e Ous. Dans la même hypothèse, le vendeur n'a pu faire écarter le danger d'éviction totale ou partielle: l'acheteur invoque la nullité de la vente, ou la fait résilier pour insuffisance des avantages qui lui restent, ou il demande une diminution du prix; c'est donc lui qui obtiendra le retrait de tout ou partie des sommes consignées.
3e Cas. Il existe des créances privilégiées ou hypothécaires inscrites sur l'immeuble vendu; le vendeur désintéresse les créanciers avec ses propres deniers, pour abréger les formalités de la purge; c'est lui qui retirera les sommes consignées.
4e Cas. Dans la même hypothèse, les créanciers non désintéressés par le vendeur acceptent l'offre du prix que leur a faite l'acheteur: ce sont eux qui retireront les sommes consignées, mais avec l'autorisation du vendeur et de l'acheteur, ou du tribunal.
5e Cas. Les créanciers, n'ayant pas trouvé suffisant le prix offert, ont requis la mise aux enchères; il y a un nouvel acheteur: le premier retirera les sommes consignées, car il ne doit plus de prix.
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(2) Cette disposition est proposée ici pour la première fois. Elle ne figure pas au Texte officiel, mais les principes permettront de l'y suppléer.