Art. 762. — 382. Cet article est consacré aux effets particuliers de la transaction.
On pourrait dire assurément de la transaction, comme des autres conventions, qu'elle tient lieu de loi entre les parties” (art. 348); mais, comme elle a pour but de prévenir ou de faire cesser une contestation judiciaire, il est naturel de lui reconnaître la force d'un jugement intervenu entre les parties et d'un jugement irrévocable, tant pour les points de fait que pour les points de droit, par conséquent, d'un jugement qui ne serait susceptible ni d'appel, ni de pourvoi en cassation.
Bien entendu, cela n'est vrai que de la transaction “valable," comme la loi a soin de l'exprimer.
Cette assimilation de la transaction à un jugement irrévocable se trouve aussi dans le Code français (art. 2052, 1er al.), mais elle y donne lieu à une sérieuse difficulté: les jugements, en général, ne sont pas attributifs ou translatifs de droits, mais ils en sont simplement déclaratifs; or, on a fait cette première objection que si la transaction a pour effet de déclarer que les droits définitivement reconnus en faveur d'une partie lui ont toujours appartenu, c'est sans cause qu'elle donne ou promet quelque chose pour les conserver; tandis que l'objection ne pourrait plus se faire, si l'on donnait à la transaction le caractère d'une cession, d'un acte translatif de droits. Mais on doit répondre que le sacrifice fait par un des contractants pour conserver une partie des droits auxquels il prétendait n'est pas le prix de ces mêmes droits, puisqu'il est considéré comme les ayant eus déjà auparavant: c'est le prix de la tranquillité qu'il acquiert par la transaction et ainsi, ce sacrifice n'est pas fait sans cause.
On ne devra pas non plus distinguer, comme l'avaient proposé d'anciens auteurs, si, à la suite de la transaction, il y a eu changement de possesseur, ce qui amènerait à dire que si la possession reste dans les mêmes mains, il y a déclaration d'un droit antérieur, que si, au contraire la possession change de mains, il y a translation d'un droit nouveau: cette importance attachée à la possession pouvait se justifier dans l'ancien droit français, alors que la propriété se transférait par le changement de possession, comme dans le droit romain, mais aujourd'hui elle ne serait pas fondée, pas plus au Japon qu'en France ou ailleurs.
383. Il reste une situation dans laquelle on doit reconnaître que la transaction est non plus déclarative, mais translative ou attributive de droits, soit réels, soit personnels. Le texte la fait bien ressortir, si l'on compare attentivement l'hypothèse du 2e alinéa de notre article avec celle du premier: l'un des contractants, pour consolider tout ou partie de ses anciennes prétentions, a donné ou promis un objet qui n'était pas compris dans la contestation; il est clair qu'en pareil cas, on ne peut pas dire que la transaction est "déclarative de droits antérieurs": elle est évidemment “attributive de droits nouveaux,” la partie qui les obtient ne les conserve pas, elle les acquiert.
La distinction a un grand intérêt pratique, comme on le verra en reprenant chacune des deux hypothèses, avec un exemple.
384.— Ier Cas. Les droits reconnus au profit des parties respectivement étaient déjà en jeu dans la contestation: par exemple, Primus revendiquait contre Secundus un immeuble possédé par celui-ci; avant le jugement, les parties transigent et il est convenu que Secundus gardera une partie divise ou indivise de l'immeuble et que Primus recouvrera l'autre: chacun sera considéré comme propriétaire en vertu de la cause sur laquelle il fondait sa prétention à la totalité; toutefois, les droits des tiers conférés sur l'immeuble par chaque partie seront respectés, car la transaction, soit comme convention, soit parce qu'elle est semblable à un jugement, n'a d'effet qu'entre les parties contractantes et ne peut nuire aux tiers qui n'y ont pas été appelés.
Il y a quelque difficulté au sujet de la transcription: si le titre en vertu duquel Secundus possédait était de nature à être soumis à la transcription et avait été effectivement transcrit, la transcription subsistera; mais, pour que son effet soit réduit à la portion d'immeuble qu'il conserve, il faudra que la transaction soit mentionnée en marge de cette transcription, comme il faudrait le faire pour un jugement: en effet, Secundus pourrait conférer des droits excédant sa portion et les tiers ne doivent pas être exposés à des évictions imprévues.
La même formalité devra être remplie à l'égard du titre de Primus, s'il avait été transcrit, et, s'il ne l'avait pas été, mais avait dû l'être, d'après sa nature exemple, si Primus s'était dit acheteur de Secundus), il faudrait transcrire, soit la transaction en vertu de laquelle Primus obtient une partie de l'immeuble, soit la vente primitive, avec mention en marge de la transaction qui la modifie.
Supposons enfin, que l'une des parties fasse, pour son sacrifice, une promesse de somme d'argent: si elle était déjà prétendue par l'autre débitrice d'une somme plus forte, elle est considérée comme devant la somme moindre, en vertu de la même cause; s'il y avait hy. pothèque prétendue et que l'hypothèque soit reconnue, elle est confirmée; si l'inscription hypothécaire était déjà prise pour le tout, elle sera réduite, comme s'il y avait jugement; si l'inscription n'avait pas encore eu lieu, elle devrait être faite et, bien entendu, sans rétroagir.
La loi réserve le cas où les parties "auraient voulu “faire une novation”; alors, il n'y a plus déclaration de droits antérieurs, mais création de droits nouveaux, comme dans le cas suivant répondant au 2e alinéa de notre article (sur la novation, voy, art. 511 et suiv.).
385.—11° Cas. En changeant un peu la première hypothèse, supposons que Secundus, défendeur à la revendication, conserve en entier l'immeuble litigieux et, comme sacrifice, donne un autre immeuble qui n'est pas en contestation; dans ce cas, Primus ne pourrait évidemment pas soutenir qu'il obtient cet immeuble “en vertu d'une cause antérieure” dont il n'y a pas trace entre les parties: il devra donc transcrire la transaction, comme étant pour lui un titre nouveau de propriété.