Art. 689. — 218. Dans le règlement des difficultés résultant des différences de contenance, l'acheteur mérite plus de ménagements que le vendeur, parce qu'il n'a pas la même facilité que celui-ci de connaître, avant le contrat, la contenance de la chose vendue.
S'il y a moins de contenance que celle promise, il ne suffira pas toujours que l'acheteur obtienne une diminution du prix: il pourrait arriver que la contenance réelle fût insuffisante pour la destination qu'il donnait à la chose achetée.
Ainsi, l'acheteur se proposait de faire des constructions, d'établir des ateliers qui demandent un certain développement, et ils ne peuvent plus le recevoir: il ne serait pas juste qu'il fût obligé de prendre, même avec réduction proportionnelle du prix, un terrain qui ne peut plus lui procurer l'utilité cherchée. Mais il devra prouver cette insuffisance: elle n'est jamais présumée, si grand que soit le déficit de contenance. Dès lors, l'acheteur est admis à demander, soit des dommagesintérêts, soit la résolution du contrat: il pourra se contenter des dommages-intérêts, si, en modifiant ses plans, il peut encore arriver à utiliser la chose; au cas contraire, il demandera la résolution.
Du reste, le vendeur ne pourrait objecter qu'il ignorait la destination que l'acheteur donnait à la chose: on doit toujours considérer qu'il est en faute, quand il n'est pas de mauvaise foi, et il était plutôt de son devoir de s'informer de l'usage auquel l'acheteur destinait la chose, qu'il n'était du devoir de celui-ci d'en faire la déclaration. Il va sans dire que la distinction entre la simple faute du vendeur et sa mauvaise foi prouvée produira ici son effet ordinaire sur la fixation des dommages-intérêts (voy. art. 405).
219. Le texte limite d'ailleurs le droit de l'acheteur aux dommages-intérêts et à la résolution, en le subordonnant à deux conditions:
1° Il faut qu'il ait droit à une diminution de prix, ce qui suppose, soit une vente " à tant la mesure," avec déficit quelconque (art. 686), soit une vente pour un prix unique, avec " garantie de contenance " ou avec mauvaise foi du vendeur dans la déclaration de contenance ou, enfin, avec déficit d'un vingtième.
On peut s'étonner après l'observation qui précède, que, dans la seconde hypothèse, lorsque le déficit est inférieur à un vingtième, ce qui exclut la diminution du prix, l'acheteur ne soit pas recevable à prouver l'insuffisance de la contenance réelle, eu égard à la destination qu'il donnait à la chose; nous répondons que, dans ce cas, l'acheteur doit imputer à sa négligence le préjudice qu'il éprouve: il devait, s'il avait besoin d'une mesure déterminée, stipuler la " garantie de contenance."
2° Il faut que la vente n'ait pas été faite " sans garantie de contenance: dans ce cas, l'acheteur a été suffisamment averti que la contenance annoncée pouvait manquer; sans doute, cette clause ne le priverait pas de la diminution du prix, si la vente était faite " à tant la mesure," parce que le vendeur ne doit pas, dans ce cas, toucher un prix supérieur à la valeur de la contenance réellement livrée: autrement, il s'enrichirait sans cause; mais elle le prive du droit de résolution, parce que le vendeur, en s'affranchissant de la garantie, a averti l'acheteur qu'il n'était pas sûr de la contenance. C'est d'ailleurs le moyen de donner un effet à cette clause de " non-garantie," laquelle, sans cela, se trouvant insérée dans une vente à " tant la mesure," ne produirait aucun effet; or, c'est un principe d'interprétation des conventions que " les clauses doivent s'interpréter de la façon qui leur donne un effet, plutôt que de celle qui ne leur en fait produire aucun " (v. C. fr., art. 1157 et Proj. jap., art. 378).
219 bis. La loi n'autorise pas l'acheteur à demander des dommages-intérêts fondés sur la plus-value qu'aurait acquise la chose dans son ensemble, depuis la vente, et les tribunaux devraient repousser toute prétention de ce genre. Supposons qu'une propriété annoncée comme ayant 1000 tsoubos, mais n'en ayant, en réalité, que 950 (1/200 en moins), ait augmenté de valeur d'un yen par tsoubo, l'acheteur ne pourrait réclamer 50 yens comme plus-value des 50 tsoubos manquant, car ce qui manque, ce qui n'existe pas, n'a pas pu augmenter de valeur. Le cas est très différent de celui d'une éviction qui enlèverait 50 tsoubos à l'acheteur, car ces tsoubos existent et leur augmentation qui profite au tiers revendiquant aurait profité pareillement à l'acheteur, s'il avait été rendu propriétaire (voy. ciaprès, art 695-3°).
220. Notre article 689, prévoyant l'inverse de l'insuffisance de la contenance, c'est-à-dire son excédant sur la quantité annoncée, accorde à l'acheteur un troisième droit, c'est celui de se désister purement et simplement du contrat, s'il doit payer un vingtième en sus du prix convenu.
La loi ne l'oblige pas, comme pour la demande en dommages-intérêts ou en résolution qui précède, à une justification quelconque, laquelle serait ici la difficulté ou l'impossibilité pour lui de payer ce supplément: il y a là une question de situation personnelle et de ressources individuelles dont l'acheteur est seul juge. Mais, par cela seul que l'acheteur est cru sur son affirmation, dès qu'il demande à se désister du contrat, faute d'argent pour acquitter l'excédant, il faut que cet excédant soit un peu élevé et la loi ne pouvait prendre une meilleure mesure que celle déjà adoptée, un vingtième en sus du prix convenu.
Il pourrait cependant arriver qu'une fraction un peu inférieure à un vingtième '(lu prix fût encore gênante pour l'acheteur; mais alors, comme on l'a déjà fait remarquer, il obtiendra facilement du- tribunal un délai de grâce pour le payement et même le fractionnement de la dette (v. art. 426).