Art. 668. — 162. Il y a des choses dont les qualités ou les défauts ne se révèlent pas au premier aspect, surtout parmi les choses mobilières, comme un cheval de selle ou de trait, un carosse de maître, une machine à vapeur. Les ventes de ces choses ne sont généralement faites qu'à l'essai, c'est-à-dire que l'acheteur subordonne la perfection de la vente, outre les autres conditions ordinaires ou stipulées, à celle que la chose lui conviendra, qu'elle répondra à ses besoins.
Généralement, l'acheteur fera sagement de se réserver expressément la faculté d'essai et le droit de refus; mais cette réserve pourra, dans certains cas, résulter des circonstances et de la nature de la chose vendue.
La différence d'effets qu'on pourrait rattacher à la réserve expresse comparée à la réserve tacite, c'est que, dans le premier cas, le refus de l'acheteur sera généralement à l'abri de la discussion, il aura un effet absolu; tandis que, dans le second cas, l'acheteur ne sera pas autorisé à refuser une chose qui n'aurait pas de défauts notables et qui répondrait convenablement à ses besoins.
En ce qui concerne les défauts, nous réservons le cas où ils seraient tellement graves qu'ils pourraient motiver l'action redhibitoire dont il sera parlé à la Section 11°, $ 4; il ne faudrait supposer ici que des défauts relatifs aux besoins personnels de l'acheteur et non des défauts absolus dont toute personne se plaindrait. Ainsi, un cheval de selle vendu est vif et emporté, facile à s'effrayer, alors que l'acheteur est un homme déjà âgé ou un médiocre cavalier; un cheval de trait, qui pourrait être utile à la campagne pour des travaux agricoles, mais qui ne pourrait être convenablement attelé à une voiture de maître à laquelle pourtant il était destiné.
Les ventes à l'essai sont presque toujours mobi lières; mais on comprendrait très-bien cette condition dans une vente d'immeuble: par exemple, d'un terrain destiné à certaines cultures spéciales auxquelles il pourrait ne pas convenir.
163. Le texte nous dit que la condition affectant la vente à l'essai peut être suspensive ou résolutoire: elle sera le plus naturellement suspensive: la vente ne sera parfaite que si la chose est agréée, si elle convient, “si elle plaît” (si placuerit, disaient les Romains); mais la vente pourrait avoir été actuelle et immédiate, sauf à être résolue, si la chose ne convient pas, si elle déplaît (si displicuerit).
Si les parties ne se sont pas expliquées suffisamment sur la nature de la condition, les tribunaux se prononceront sur leur intention: dans le doute, ils pourront incliner pour admettre la condition suspensive.
164. Le 2e alinéa prévoit une vente de denrées qu'il est d'usage de goûter, avant de les acheter définitivement: le Code français (art. 1587) cite, comme exemples, le vin et l'huile; on pourrait y ajouter, au Japon comme en France, une foule d'autres denrées, alimentaires ou non.
Il y a beaucoup d'analogie entre ce cas et le précédent. Le texte semble toutefois n'admettre qu'une des deux conditions, la condition suspensive: il ne dit rien de la condition résolutoire; mais on remarquera que le texte pose une simple présomption: il ne limite pas le pouvoir des parties; on peut donc dire que la condition suspensive d'acceptation pourra n'être que tacite, mais la condition résolutoire de refus devra toujours être expresse.
Une autre différence entre le cas de vente faite à l'essai et celui de vente subordonnée à la dégustation est relative à l'étendue de la faculté laissée à l'acheteur dans chacun de ces cas.
Dans la vente à l'essai, l'acheteur a une grande liberté de refuser, mais elle n'est pas absolue et indiscutable: ainsi, il ne pourrait pas se borner à dire que la chose “ne lui convient pas”, il faudrait encore déclarer quels défauts il lui trouve et en quoi elle ne répond pas à ses besoins; s'il prétendait refuser la chose, sous le prétexte d'un défaut qu'elle n'a pas en réalité, il pourrait être contraint de la prendre; les conventions doivent, en effet, “s'exécuter de bonne foi” (art. 350).
Dans la vente de denrées soumises à la dégustation, il conviendra de sous-distinguer s'il s'agit, ou non, de choses destinées à la consommation personnelle de l'acheteur ou de sa famille; dans le premier cas, le droit de refus doit être considéré comme absolu: c'est un proverbe très-juste que “les goûts ne se discutent pas." Mais s'il s'agissait de denrées, de consommation ou autres, destinées au commerce, l'acheteur ne pourrait refuser celles qui seraient de goût et de qualité ordinaires, qui seraient, suivant l'expression du commerce, “bonnes, loyales et marchandes."