Art. 556. — 627. La confusion offre, au premier abord, quelque analogie avec la compensation, parce qu'elle consiste, comme celle-ci, dans une réunion, en une même personne, des qualités opposées de créancier et de débiteur; mais il y a cette grande différence que, " dans la compensation, chaque partie est, à la fois, créancière et débitrice de l'autre, il y a donc deux dettes et deux créances; tandis que, dans la confusion, il n'y a qu'une partie qui soit à la fois créancière et débitrice, et la chose due est une également, en sorte que la partie serait créancière d'elle-même ou débitrice d'ellemême, ce qui ne peut avoir aucun effet; aussi, tandis que la compensation éteint deux dettes, la confusion n'en éteint-elle qu'une seule. C'est donc par inadvertance que le Code français (art. 1300) dit que la confusion " éteint les deux créances." Le Code italien (art. 1296) n'a pas commis la même négligence.
Une autre différence, plus profonde encore, est que la confusion produit moins une extinction véritable de l'obligation qu'un obstacle à l'exercice de la créance, et cet obstacle peut être plus ou moins complet et plus ou moins durable: les Romains disaient, avec une formule souvent citée, que " la confusion retire plutôt le débiteur du lien de l'obligation qu'elle ne détruit l'obligation elle-même." On trouvera plus loin la confirmation de cette idée; cependant, pour la commodité du langage, il est reçu de la qualifier de " cause d'extinction des obligations."
On a déjà rencontré la confusion comme cause d'extinction des servitudes (art. 310); on pourrait la considérer aussi, sous le nom de consolidation, comme cause d'extinction de l'usufruit, (v. T. rr n° 146), du droit de bail, de l'hypothèque et, généralement, des droits réels qui s'exercent sur la chose d'autrui: lorsque le titulaire de ces droits devient propriétaire de la chose, il est clair que les droits secondaires se confondent et s'absorbent dans le droit principal.
On va trouver encore ici une application des théories de la solidarité, de l'indivisibilité et du cautionnement; mais les développements déjà donnés sur le caractère de ces modalités des obligations permettront d'être plus bref à ce sujet.
628. Le 1er alinéa nous dit clairement quand il y a confusion: c'est lorsque le créancier et le débiteur, le sujet actif et le sujet passif de l'obligation, ne font plus qu'une même personne; la loi indique la succession comme le fait le plus fréquent qui opère cette réunion des deux qualités personnelles; mais ce n'est pas le seul: la loi en fait pressentir d'autres.
Et d'abord, la succession: un fils doit à son père, il vient à lui succéder; il est clair qu'il recueille tous les droits et créances qu'avait son père; mais il ne peut se devoir à lui-même: sa dette et sa créance se neutralisent; il en serait de même si c'était le père qui dût au fils et que fils succédât au père.
Si le père créancier avait plusieurs héritiers, celui d'entre eux qui serait débiteur du père ne se trouverait libéré que pour la part pour laquelle il succéderait; mais ce cas n'est encore admissible au Japon que si le père avait réduit le droit d'aînesse par un legs à titre universel, de moitié au plus.
Indépendamment de ces deux cas de confusion où le débiteur succède au créancier ou le créancier au débiteur, on en ajoute généralement un troisième: celui où un tiers succède à tous deux; mais le cas n'est guère que théorique: il faut supposer que le débiteur et le créancier sont morts simultanément ou, tout au moins, sans qu'on sache lequel a survécu; car, autrement, si l'un a survécu à l'autre et lui a succédé, la confusion s'est déjà opérée avant que le tiers succédât au second défunt; si c'est le tiers qui a succédé au premier défunt, il est devenu, du chef de celui-ci, créancier ou débiteur, il n'y a pas encore confusion, et quand, ensuite, il succède au second défunt, c'est encore la confusion ordinaire qui a lieu.
La succession n'est pas le seul fait qui opère confusion ou réunion des deux qualités de créancier et de débiteur; on peut y ajouter le legs ou la donation d'une universalité de droits, comprenant une créance du disposant contre le légataire ou le donataire. On suppose un legs ou une donation " d'universalité," car, si le disposant ne voulait donner ou léguer au débiteur que la seule créance qu'il a contre lui, il lui ferait plutôt la remise gratuite qu'une cession de l'obligation: au lieu de lui transférer son droit, il y renoncerait.
La confusion peut enfin avoir lieu par acquisition à titre particulier; c'est lorsque le débiteur qui ne pourrait obtenir de son créancier une remise gratuite ni même onéreuse de son obligation, achète, par un mandataire secret ou sous un nom supposé, la créance existant contre lui. Il faut supposer, disons-nous, l'intervention d'un mandataire secret; car, si le débiteur proposait à son créancier d'acheter sa créance, celui-ci, voyant que son débiteur a des valeurs disponibles, demanderait qu'il y eût payement.
Il est clair que, dans tous les cas de confusion, la dette n'existe plus, parce que la créance ne peut s'exercer. Bien entendu, les accessoires de la dette, les sûretés personnelles ou réelles sont également éteintes ou paralysées.
629. Une des causes qui doivent encore faire séparer la confusion des autres modes d'extinction des obligations, c'est qu'elle est moins irrévocable. La qualité d'héritier se perd, si l'héritier est judiciairement déclaré indigne de succéder pour les causes que la loi détermine (voy. c. fr., art. 727); s'il s'agit d'un legs, il peut se trouver annulé par un autre testament découvert plus tard; une donation peut être résolue pour inexécution des charges imposées au donataire, ou rescindée pour incapacité du donateur, ou enfin révoquée pour fraude du donateur envers ses créanciers; il en serait de même d'une vente de la créance. Dans ces divers cas, la confusion est réputée non avenue et l'obligation subsiste en principal et accessoires (2e al.).
On remarquera que l'événement qui fait cesser la confusion, de manière à faire reparaître l'obligation, doit avoir une cause autorisée par la loi et antérieure au fait qui a opéré la confusion; par conséquent, une résolution volontaire opérée entre les intéressés, ou une révocation du legs ou de la donation pour ingratitude, laquelle est nécessairement postérieure à la libéralité, né ferait pas reparaître l'obligation, au moins au préjudice des droits acquis aux tiers qui auraient pu considérer la dette comme éteinte: notamment, elle ne pourrait être exercée contre les cautions, ni contre les tiers détenteurs de biens hypothéqués.