Art. 424. — 350. Il est évident que le débiteur a, en général, intérêt à exécuter son obligation le plus tard possible: s'il s'agit d'une dette d'argent et qu'il ait la somme à sa disposition, il peut en tirer profit; s'il n'a pas la somme, il n'est pas tenu d'emprunter à intérêts plus ou moins lourds; s'il s'agit de marchandises à fournir ou de travaux à exécuter, il a, sous une autre forme, les mêmes avantages à attendre. La loi est donc conforme à la réalité des choses, en présumant que le terme a été stipulé dans l'intérêt du débiteur; mais c'est une présomption simple, pouvant céder à la preuve contraire résultant des clauses de la convention ou des circonstances du fait. La même présomption existe pour le terme accordé par la loi.
Quant au terme de grâce, il sera expressément accordé au débiteur par le jugement, et si l'on admet, par exception, que le terme de grâce puisse être accordé dans l'intérêt du créancier, le jugement s'en expliquera encore plus formellement, à cause de la singularité du fait.
Mais, c'est un principe général que toute personne peut renoncer à un bénéfice établi en sa faveur. Le débiteur pourra donc payer avant le terme, chaque fois que la présomption dont il s'agit ne sera pas contredite à son égard. Il aura avantage à se libérer ainsi par anticipation, lorsque sa dette produit un intérêt plus élevé que le profit que lui procureraient ses propres fonds ou que les intérêts des fonds qu'il emprunterait à cet effet; et, lors même que la dette ne porterait pas intérêt, s'il a des fonds sans emploi, il s'affranchit, en payant, des risques de perte ou de vol.
351. Le terme a pu être établi dans l'intérêt du créancier: s'il s'agit d'une dette d'argent, il a pu luimême vouloir se préserver des risques de perte ou de vol, pendant un temps où il n'avait pas toutes facilités à cet égard; ou bien, il a cherché à s'assurer un intérêt de son capital pendant le temps où il prévoyait n'en avoir pas d'autre emploi; ou bien, il s'agissait de travaux à exécuter, qui, avant le temps fixé, devaient lui être inutiles ou gênants. En pareils cas, le créancier a le même droit que le débiteur, celui de renoncer au bénéfice du terme, en exigeant l'exécution ou le payement anticipé. Mais, il ne faudrait pas que cette faculté du créancier devînt trop gênante pour le débiteur qui n'aurait pas prévu cette dérogation à la convention, et le tribunal pourra accorder au débiteur un terme de grâce pour lui permettre de prendre ses dispositions.
La loi prévoit aussi que le terme aurait pu être établi dans l'intérêt simultané des deux parties; dans ce cas, l'une ne pourrait y renoncer sans le consentement de l'autre.
352. Il va de soi que si la partie qui aurait une fois renoncé au bénéfice du terme établi dans son intérêt exclusif voulait ensuite revenir à la convention, pour retarder l'exécution, elle ne le pourrait pas, sans le consentement de l'autre; car il y aurait eu une convention nouvelle qui constituerait un droit pour l'autre partie.
353. La loi rappelle, en terminant, sa décision déjà donnée (art. 386) au sujet du payement anticipé fait par erreur: cette erreur ne permet pas de dire qu'il y a eu renonciation au terme; mais la répétition de ce qui aurait été ainsi donné par anticipation serait trop nuisible à celui qui a reçu pour être permise: il y aura seulement lieu de tenir compte des intérêts que le créancier a pu gagner et que le débiteur a perdus. Du reste, si le créancier ne voulait pas subir cette perte d'intérêt, il pourrait toujours rendre le capital, pour ne le recevoir qu'à l'arrivée du terme.