Art. 340. — 93. Cette disposition, comme la précédente, ne se trouve qu'incomplètement dans le Code français (art. 1125, 2e al.); ici, ce sont les vices de consentment qu'il a négligés: il refuse l'action en nullité à ceux qui ont traité avec les incapables, lorsqu'ils étaient capables eux-mêmes, mais il ne dit pas que la même action soit refusée à ceux qui ont traité avec celui dont le consentement a été vicié. Le Code italien n'a pas non plus complété la disposition à cet égard (art. 1107); il a seulement ajouté une exception semblable à celle qui forme ici de second alinéa.
Il ne paraît pas nécessaire, après tout ce qui a été dit précédemment, de s'arrêter longtemps à justifier la disposition générale qui forme le 1er alinéa du présent article: l'action en nullité ne doit appartenir qu'à celui que la loi a voulu protéger en subordonnant la validité de la convention à la perfection du consentement comme à la capacité. -Au surplus, les interprètes du Code français et les tribunaux n'ont jamais hésité à refuser l'action à celui des deux contractants dont le consentement n'a pas été vicié, même quand il n'avait commis ni dol ni violence.
Personne ne pouvant se faire un titre de la faute qu'il a commise, il est clair que la nullité ne pourra jamais être invoquée par la partie coupable de dol ou de violence; elle ne pourra ainsi s'affranchir des charges ou obligations que la convention pouvait lui imposer, si elle était à titre onéreux. Lors même que la violence proviendrait d'un tiers dont le contractant n'aurait pas été complice, ce dernier ne pourrait non plus arguer de la violence dont l'autre partie aurait été victime. Mais, bien enteudu, si l'annulation était obtenue par la partie violentée, l'autre partie, coupable ou non, serait déliée de ses propres engagements corrélatifs.
Si le dol ou la violence avaient été tels qu'ils exclussent tout consentement, comme alors le contrat serait radicalement nul, la nullité pourrait être invoquée par les deux parties, même par celle qui serait coupable; mais le cas sera rare, car l'auteur d'une telle violence ou d'un tel dol n'aurait probablement pas contracté d'engagement corrélatif, ou du moins, cet engagement serait trop peu onéreux pour qu'il eût intérêt à se prévaloir de la nullité, en renonçant aux avantages qu'il espérait du contrat.
94. L'exception portée au 2e alinéa demande, au contraire, à être justifiée; elle tranche d'ailleurs une question qui n'est pas sans difficulté en France.
Ce n'est pas seulement à cause du principe précité de l'article 1125 que l'on peut hésiter à accorder l'action en nullité à ceux qui ont traité avec le condamné, c'est aussi parce que ce n'est évidemment pas dans leur intérêt que l'interdiction légale a été établie; elle est établie, sinon comme une peine proprement dite (i), au moins comme un moyen d'assurer. l'efficacité des peines criminelles, en ôtant au condamné les moyens de corrompre ses gardiens et, par là, de se-soustraire aux rigueurs du régime pénitentiaire, même de se procurer la fuite.
En même temps qu'on est porté à refuser l'action en nullité à ceux qui ont traité avec le condamné, on est tenté aussi de la lui refuser à lui-même, pour qu'il,ne puisse pas tirer avantage d'une disposition édictée contre lui.
Mais il ne faut pas que cette mesure qui est plutôt sage que rigoureuse demeure inefficace et dépourvue de sanction: le meilleur moyen de lui assurer les effets préventifs que la loi en attend, c'est de donner l'action à tous ceux qui y ont intérêt: si le condamné peut s'affranchir de ses engagements envers les tiers, ou recouvrer les biens qu'il a aliénés, il est presque certain que personne ne consentira à traiter avec lui, pas même ses gardiens; si les tiers peuvent également se soustraire à leurs conventions, le condamné n'aura aucun intérêt sérieux à traiter avec eux. L'exception se trouve donc entièrement justifiée; mais elle est assez notable pour avoir besoin d'être exprimée dans la loi: c'est aussi ce qu'a fait le Code italien (art. 1107).
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(i) C'est dans un but de simplification que le nouveau Code pénal qualifie l'interdiction légale du nom de peine accessoire (art. 10).