302. Le propriétaire du fonds assujetti à une prise d'eau n'est responsable du manque d'eau que si elle résulte de son fait.
En cas d'insuffisance de l'eau pour les besoins des deux fonds, la priorité appartient aux usages personnels et domestiques, ensuite, aux besoins agricoles avant les besoins industriels; le tout, proportionnellement à l'importance des fonds.
S'il y a plusieurs fonds dominants, ils concourront à l'usage de l'eau pour les besoins domestiques; à l'égard des besoins agricoles et industriels, la préférence appartiendra à celui des fonds dont le droit est antérieur en date.
Si la prise d'eau était accordée à un voisin par l'effet d'un louage, le manque d'eau, même indépendant du fait du bailleur, engagerait sa responsabilité, en ce sens qu'ayant contracté personnellement l'obligation d'en fournir la jouissance, il n'aurait pas droit au prix de location pendant le temps où l'eau manquerait; mais le droit de servitude n'est pas le même que le droit résultant du bail, et lors même que la servitude aurait été constituée par vente, c'est-à-dire par un contrat qui obligé à la garantie de l'existence de la chose vendue, au moment où la vente a eu lieu, il n'en résulterait pas une garantie de sa durée indéfinie, Enfin, même si le vendeur s'était engagé à garantir la durée de l'eau pondant un temps plus ou moins long, le droit à la garantie pourrait bien passer, activement, à tout cessionnaire du fonds dominant, mais il ne passerait pas, passivement, à la charge du cessionnaire du fonds servant; l'obligation de garantie serait personnelle au vendeur et à ses héritiers.
Au contraire, quand la prise d'eau est constituée à l'état de servitude, si la privation de l'eau résulte de travaux faits par le propriétaire du fonds servant, il en est toujours responsable, sans distinguer s'il est, ou non, vendeur de la prise d'eau ou héritier du vendeur: sa responsabilité résulte de son fait personnel.
Un cas pourrait faire doute: l'eau sur laquelle la servitude a été concédée n'était pas une eau naturelle, mais elle résultait, elle-même, d'une concession faite au fonds servant, moyennant une somme à payer annuellement, comme sont, par exemple, les concessions d'eau faites par les municipalités sur leurs réservoirs; le propriétaire du fonds servant, a cessé de payer l'annuité et l'eau lui a été retirée; par suite, le fonds dominant en a été privé' également. Dans ce cas, la responsabilité du manque d'eau est-elle encourue par le propriétaire du fonds servant ? Il faut décider négativement, en principe; car “les servitudes n'obligent pas à faire mais seulement à souffrir;" pour qu'il en fût autrement, il faudrait que le constituant de la servitude se fût engagé formellement à continuer le payement de l'annuité et ce serait là une obligation personnelle n'obligeant que lui et ses héritiers et non une charge réelle imposée à tout propriétaire du fonds servant.
Les deux derniers alinéas prévoient le cas où l'eau, sans manquer entièrement, serait insuffisante pour le fonds dominant et le fonds servant réunis; la loi prévoit même le cas de deux fonds dominants.
Dans le cas où le débat n'intéresse que le fonds dominant et le fonds servant, on ne pouvait songer à donner la préférence à un fonds sur l'autre: il serait bien difficile, en raison, de justifier une pareille solution. Il a paru plus juste de distinguer entre les usages auxquels l'eau est nécessaire. En première ligne, la loi place les usages personnels et domestiques; on a déjà fait remarquer, au sujet de l'article 241, que l'eau étant, pour une certaine mesure, nécessaire à la vie et. à la santé de l'homme, la loi doit lui en assurer l'usage, quand elle le peut. Les usages agricoles viennent ensuite, parce qu'ils favorisent la production des denrées alimentaires ou autres de première nécessité; les usages industriels viennent en dernier lieu, parce que, lors même que les usines ou manufactures cesseraient de fonctionner pendant un certain temps, le dommage général qui en résulterait serait minime, comparativement à la privation de récoltes faute d'irrigation.
Le Code français est tout à fait muet sur ces difficultés; aussi, dans les localités où l'eau est rare à certaines époques, y a-t-il souvent des contestations, des querelles et quelquefois des rixes, au sujet de l'usage des eaux privées et même publiques. Le Code italien paraît s'être préoccupé davantage de ces questions; il en a même prévues d'autres, mais qui ne semblent pas devoir se présenter au Japon; il a malheureusement fait une certaine confusion entre les concessions d'eau par bail et celles constituant des servitudes foncières (v. art. 649 à 652), de sorte que ses solutions n'ont pas paru pouvoir être, en général, adoptées dans le Projet japonais; une seule l'a été, c'est celle donnée par le 3e alinéa du présent article, à savoir, la préférence accordée entre plusieurs fondsdominants, à celui dont le titre est antérieur en date.
L'hypothèse la plus fréquente de plusieurs fonds dominants est évidemment celle où un fonds dominant, d'abord unique, aura été ensuite divisé par un partage entre co-propriétaires ou co-héritiers; dans ce cas, ils n'auront droit, en totalité, qu'à la même quantité d'eau que celle qui était due primitivement au fonds unique; mais, le partage ayant la même date pour tous, ce ne sera donc pas le cas où la préférence appartiendra au fonds dont le titre est antérieur en date. Il faut supposer des ventes partielles et successives du fonds unique, ou une concession d'eau faite successivement à divers fonds voisins du fonds servant.
L'ordre des droits à l'usage de l'eau sera alors le suivant: d'abord, un droit égal ou proportionnel à l'eau nécessaire aux usages domestiques, sans distinction de la date des titres; ensuite, le droit exclusif et successif à l'usage agricole, suivant les dates; enfin, s'il y a lieu, le droit à l'usage industriel, suivant les mêmes dates.
On pourra trouver ces détails minutieux et compliqués, mais la réponse a déjà été donnée ailleurs: mieux vaut que le législateur prenne la peine de résoudre des difficultés possibles et probables que d'en laisser le soin et la responsabilité aux tribunaux.