Art. 278. — 420. Il y a ici une nouvelle restriction à la liberté des propriétaires, toujours dans l'intérêt des bons rapports entre voisins et pour éviter les vexations et les troubles. Le propriétaire peut construire sur la limite de son fonds et, par conséquent, son bâtiment peut être en contact immédiat avec le fonds voisin; celui-ci ne pourrait pas se plaindre de perdre ainsi la vue à distance, les rayons du soleil et l'air libre; mais, le propriétaire ne peut avoir sur la limite des vues droites ou fenêtres d'aspect qui pourraient favoriser une curiosité indiscrète et seraient un moyen de jeter des corps durs ou de répandre des liquides sur le fonds voisin. La loi veut, pour que de pareilles ouvertures soient permises, que la distance soit de trois pieds; cette distance n'exclut pas tout danger de ce genre, mais elle n'aurait pu être augmentée sans devenir une cause, soit de perte de terrain utile, surtout dans les villes, soit de dépréciation des bâtiments; car, souvent, le côté où il s'agit d'ouvrir ces vues sera le plus favorable pour le soleil.
En France, la loi (art. 678) exige un mètre et neuf dixièmes, qui font un peu plus de 6 pieds japonais et, en Italie (art. 587) un mètre et demi, qui font 5 pieds japonais (a).
Au Japon, où cette restriction aux droits du propriétaire n'est pas encore formellement établie, même par l'usage, bien qu'elle soit souvent observée par un accord tacite des voisins, on a cru devoir adopter une distance encore moindre: trois pieds.
Pour les vues obliques ou latérales dont le préjudice est moindre et pour lesquelles la loi française demande deux pieds de distance et la loi italienne un pied et demi, le Projet japonais n'exige qu'un pied.
421. Il restait à déterminer légalement la différence entre la vue droite et la vue oblique.
Géométriquement, on doit dire qu'une vue droite est " celle qui tombe perpendiculairement sur la ligne séparative des deux fonds," ce qui suppose que le plan du bâtiment d'où part la vue est lui-même parallèle à cette ligne (voy. Fig. 1), et une vue oblique, " celle qui ne rencontre la ligne séparative qu'en faisant un angle plus ou moins obtus (ouvert) avec elle, un angle de plus de 90 degrés ou de plus d'un quart du cercle," ce qui suppose que le plan du bâtiment forme, au contraire, un angle aigu, un angle de moins de 90 degrés avec la ligne séparative (voy. Fig. 2); que si le plan du bâtiment est lui-même perpendiculaire à la ligne séparative, c'est-à-dire forme avec lui un angle de 90 degrés (ibid.), la vue qui s'en échappe marche parallèlement à la ligne séparative et ne la rencontrera jamais, elle porte alors sur un terrain qui doit être supposé attenant au bâtiment: autrement, il y aurait une vue droite prohibée à l'égard d'un autre voisin; on peut dire alors qu'il n'y a aucune vue sur le fonds latéral.
Mais, en droit, à cause du but que la loi poursuit dans cette restriction aux facultés du propriétaire, on a dû s'écarter un peu des règles et des dénominations de la géométrie: ainsi, on appelle vue droite non seulement celle qui tombe perpendiculairement sur le fonds voisin, mais encore celle qui, partant du bord interne de l'ouverture, le plus rapproché de la ligne séparative, rencontre cette ligne avant d'avoir parcouru la distance légale assignée aux vues perpendiculaires; en effet, dans ce cas, le danger d'indiscrétions que la loi a voulu écarter est le même que dans les vues géométriquement droites (v. Fig. 2). En même temps, on a considéré que les vues géométriquement parallèles à la ligne séparative pouvaient facilement devenir des vues obliques ou latérales, si la personne qui regarde s'incline à gauche ou à droite; de là encore, une restriction à la liberté de pratiquer les ouvertures, mais moindre que la précédente.
Le Code français n'a pas mis une précision suffisante dans ses dispositions sur cette matière, aussi y a-t-il des désaccords assez sérieux entre les auteurs et dans la jurisprudence sur ce qu'il faut entendre au juste par vue droite et vue oblique.
422. Le Projet japonais, considérant que les règles géométriques ne peuvent être suivies absolument en cette matière, a cherché à s'en écarter le moins possible, tout en adoptant un système simple de mesurage, et le résultat se trouve encore favorable à la liberté des bâtiments.
Dans les quatre hypothèses réglées par la loi (la dernière l'est implicitement), le plan du bâtiment du côté duquel il est question d'ouvrir des vùes est comparé à la ligne séparative des terrains.
Au premier cas, le bâtiment est exactement parallèle à la ligne séparative: il ne pourra y avoir de vues droites que si l'écartement est de 3 pieds dans toute sa longueur (Fig. 1).
Au second cas, le plan du bâtiment d'où part la vue ne s'écarte de la ligne séparative que d'un angle de 45 degrés ou moins: l'ouverture la plus rapprochée du sommet dudit angle devra en être assez éloignée pour que le rayon visuel partant du bord interne de cette ouverture ne tombe sur la ligne séparative qu'après avoir parcouru un espace de trois pieds, ce qui obligera toujours à laisser au inoins trois pieds entre le sommet de l'angle et l'ouverture, et même davantage, si l'angle est plus fermé que 45 degrés.
Au troisième cas, le plan du bâtiment s'écarte de la ligne séparative d'un angle de plus de 45 degrés: la vue qui s'en échappera sera considérée comme oblique, et la distance requise ne sera plus que d'un pied à partir du sommet de l'angle; dans ce cas, l'incidence de la vue sur la ligne séparative aura lieu au-delà ou en-deçà des trois pieds requis, suivant l'ouverture de l'angle (b).
Au quatrième cas, le bâtiment fait avec la ligne séparative un angle obtus, ou de plus de 90 degrés: la vue sera libre, car elle ne peut plus rencontrer cette ligne que si le spectateur avance son corps hors de l'ouverture.
Les deux figures ci-après rendront faciles à saisir les explications qui précèdent.
FiG. 1.
Soit une ligne séparative L S et un bâtiment parallèle B P,"; si la distance entre eux est de trois pieds (), le bâtiment pourra avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, en/, dans toute sa longueur.
Si le bâtiment avait été construit à moins de trois pieds de la ligne séparative, et toujours parallèlement, il ne pourrait plus y avoir aucune fenêtre d'aspect, mais seulement des fenêtres masquées ou des jours de tolérance, comme il est dit à l'article suivant.
FIG. 2.
Soit toujours une ligne séparative L S et un bâtiment qu'on suppose, successivement, touchant la ligne séparative dans toute sa longueur, B B', ou s'en écartant à l'une de ses extrémités, B C, B D, B E, B F, B G.
Si le bâtiment est en B B', il ne peut y avoir aucune fenêtre d'aspect. S'il est en B C ou B D, les fenêtres d'aspect seront placées en /, de manière à ne pas rencontrer la ligne L S avant d'avoir franchi une distance de trois pieds (- - -); or, on remarquera que plus l'angle d'écartement est ouvert, plus la fenêtre peut se trouver rapprochée de l'angle B: c'est une loi géométrique des lignes. Il en serait de même, si l'angle du bâtiment, au lieu de partir de la ligne séparative même, en était déjà à une certaine distance: il y aurait d'autant moins à reculer l'ouverture par rapport au sommet de l'angle que ledit angle serait plus éloigné de la ligne séparative.
A partir de l'angle de 4ù degrés B D, jusqu'à 90 degrés, quand le bâtiment forme l'angle B E ou B F, la fenêtre peut être placée à un pied (-) du point B; c'est la vue oblique. Si le bâtiment formait un angle obtus, B G, avec la ligne L S, les fenêtres pourraient être encore plus rapprochées du point B; il pourrait n'y avoir que l'intervalle de la poutre de soutènement, parce que la vue, loin de se rapprocher de la ligne séparative, en se prolongeant, s'en écarterait davantage.
Le dernier alinéa, sur la manière de calculer les distances, a déjà été appliqué et ne présente pas de difficultés: la distance ne se calcule pas du milieu de l'ouverture, mais de la partie qui en est la plus proche de la ligne séparative.
----------
(a) Le pied japonais (shakou) a 30 centimètres et 3 millim.
(b) C'est vers l'angle de 70 degrés que la vue partant de la distance d'un pied du sommet de l'angle atteint la ligne séparative.