272. A défaut de titre ou de prescription établissant la propriété exclusive d'un des voisins, les signes de non-mitoyenneté, à l'égard des terrains, sont:
1° Pour les clôtures en planches ou en bambous, la circonstance que les poteaux de soutènement sont exclusivement d'un seul côté;
2° Pour les murs en pierre, en briques ou en maçonnerie, l'existence sur un seul côté, soit d'un plan incliné pour l'écoulement de l'eau pluviale, soit de saillies, ouvertures, enfoncements, ouvrages ou ornements quelconques;
3° Pour les fossés, le rejet de la terre d'un seul côté;
4° Pour les haies vives ou sèches la circonstance qu'un seul des fonds est clos de tous côtés.
Dans ces quatre cas, la propriété exclusive est présumée appartenir à celui des voisins du côté duquel sont les ouvrages particuliers ou qui est seul entièrement clos.
La loi n'a pas besoin de reprendre l'idée que le titre et la prescription trentenaire peuvent combattre la prescription de mitoyenneté: les titres sont la preuve normale du droit de propriété exclusive, et la prescription trentenaire, quoique constituant elle-même une présomption de droit, est une présomption absolue et invincible.
Mais, s'il s'agit de combattre une présomption simple par une autre présomption n'ayant pas un autre caractère, il faut que la loi s'en explique avec soin. Si la présomption résultant d'une possession annale n'est pas suffisante ici pour détruire la présomption de mitoyenneté, c'est parceque la nature de la chose possédée se prête si facilement à des actes de possession plus ou moins légitimes qu'il y aurait toujours une grande incertitude sur l'existence ou le caractère de ces actes. Il y aurait danger aussi à donner à ces actes une importance sérieuse, ce serait obliger les voisins à une surveillance, à une défiance continuelles, qui dégénéreraient facilement en querelles, en rixes ou en procès, suivant le caractère des personnes. Au contraire, les présomptions que la loi admet ici comme preuves contraires de la présomption de mitoyenneté ont un caractère précis, indiscutable et permanent.
Il n'est pas nécessaire de reprendre ici en détail, chacun des quatre cas réglés par la loi. Il suffira d'une observation sur chacun.
1er al. Les poteaux de soutènement étant une gêne pour le propriétaire, il est clair que s'ils se trouvent d'un seul côté, c'est que de ce côté seul aussi est le droit de propriété.
2e al. Nul ne pouvant envoyer les eaux pluviales de ses bâtiments sur le fonds voisin (art. 239), la circonstance que les eaux du mur tombent sur un seul fonds a le même sens que la situation des poteaux ci-dessus. De même, on verra plus loin que si le mur est mitoyen, aucun des voisins n'y peut pratiquer d'ouverture ou d'enfoncement; si donc de pareilles dispositions existent dans un mur de séparation, c'est qu'il n'est pas mitoyen.
3e al. Nul ne pouvant, en vertu des principes élémentaires de la propriété, empiéter, usurper sur le fonds voisin, de quelque façon que ce soit, si ce n'est en vertu d'un droit de servitude, il est naturel d'en conclure que si la terre tirée du fossé est toute entière déposée sur un seul fonds, c'est que le fossé a été pris exclusivement sur ce fonds.
4e al. Quant aux haies, il était difficile d'y chercher un signe matériel qui indiquât par qui et sur quel terrain elles ont été plantées. La loi en trouve, non plus dans la haie même, mais, dans la circonstance qu'un des fonds est seul enclos de tous côtés: il n'est pas vraisemblable que le propriétaire qui n'est pas clos de tous côtés ait consenti à faire d'un seul côté le sa crifice d'une portion de son sol et la dépense de la haie.
Le dernier alinéa de l'article tire la conséquence de la présomption en désignant quel est celui des voisins qui est présumé propriétaire exclusif. Il se trouve expliqué par les quatre observations ci-dessus.