241. Si les eaux de la source sont nécessaires aux usages domestiques des habitants d'une commune ou hameau, le propriétaire est tenu de laisser s'écouler la portion de ces eaux qui ne lui est pas utile.
La commune pourra même faire exécuter sur le fonds les travaux nécessaires à la réunion et à la conduite des eaux, pourvû qu'ils ne causent pas de dommage permanent au fonds et moyennant indemnité.
La commune devra, en outre, une indemnité pour l'usage des eaux, s'il n'a pas été déjà exercé gratuitement pendant trente ans.
La présente disposition se trouve dans le Code français (art. 643) et y a été empruntée par plusieurs Codes étrangers.
Elle repose sur le principe que l'intérêt général ou collectif doit primer, dans certains cas, l'intérêt individuel.
L'usage de l'eau est un des besoins les plus impérieux de l'homme, et il est passé en axiome de morale que ce que l'on peut le moins refuser à son semblable c'est l'eau nécessaire à éteindre sa soif. La loi apporte ici, d'ailleurs, un grand soin à concilier les intérêts opposés; elle est aussi plus précise que la loi française et on le reconnaîtra en comparant les deux textes. D'abord, pour que le propriétaire de la source soit privé de la plénitude de son droit, il faut que les réclamants constituent une agglomération d'habitants, reconnue par l'administration, au moins un hameau(h); il ne suffirait pas d'une réunion de quelques maisons particulières n'ayant aucun lien entre elles, ni de quelque grande manufacture, même employant beaucoup d'ouvriers: il faut que l'agglomération représente un intérêt général, si limité qu'il soit.
Sous ce rapport, le Projet est conforme au Code français.
De même, les deux textes veulent que l'eau de la source soit nécessaire aux habitants; il ne suffirait pas qu'elle fût simplement utile.
Le Projet précise davantage le genre de nécessité: ce n'est pas la nécessité agricole ou industrielle, laquelle pourtant se comprendrait, mais, n'a pas paru aussi impérieuse que les nécessités domestiques(i); c'est-à-dire ce qui est nécessaire à l'usage direct de l'homme et des animaux, même des bestiaux logés dans le bâtiment.
Le Code français, dans le cas qui nous occupe, défend au propriétaire de la source d'en changer le cours; mais, lui défend-il d'épuiser l'eau de la source par des travaux d'irrigation ou même par des usages d'agréments, comme de la recueillir dans un étang, où elle se perdrait, ou bien dont elle ne sortirait qu'après un long séjour à l'air qui la corrompt ?
Cette question est fort difficile à résoudre avec le texte français. Elle ne le sera pas avec le Projet japonais: le propriétaire devra laisser écouler l'excédant d'eau qui ne lui est pas utile; son droit n'est pas, comme celui des habitants inférions, limité à la nécessité, il va jusqu' à l'utilité; mais, l'utilité no comprend pas l'agrément. Le propriétaire pourra faire des irrigations, il ne pourra pas faire un étang: le plaisir d'une personne ne doit pas être respecté au prix de la vie ou de la santé des autres hommes.
Le Projet va encore plus loin que la loi française, en permettant à la commune ou aux habitants du hameau de faire exécuter quelques travaux sur le fonds où naît la source, pour recueillir les eaux et pour en favoriser la sortie. La seule limite que la loi mette à ce droit, c'est que le dommage no doit pas être permanent, mais seulement temporaire, et, de ce chef, il y aura lieu à une indemnité, si le propriétaire l'exige.
Il y aura lieu à une autre indemnité, pour la privation que le propriétaire éprouve par la perte d'une partie des avantages de la source. Mais, cette indemnité serait prescrite libératoirement (cesserait d'être due, par la prescription libératoire) si la commune avait joui de la source pondant trente ans sans rien payer.
On remarquera seulement qu'en pareil cas, il ne faut pas dire que la servitude est acquise par prescription; elle est acquise par la loi et indépendamment d'aucun délai, et même avant que l'usage en ait commencé(j): la prescription n'est ici qu'extinctive de l'obligation d'indemniser le propriétaire.
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(h) En France un hameau est une petite agglomération d'habitants, un peu isolée, n'ayant pas de maire, ni d'école, ni d'église: le hameau dépend d'une commune, mais, porte un nom particulier, comme le quartier d'une ville.
(i) De domus, maison.
(j) Le Projet japonais s'écarte encore ici du Code français, lequel ne reconnait le droit de la commune que quand elle use déjà de l'eau, en fait; il se place dans le cas où la source fournit l'eau nécessaire. Dans le nouveau texte, il suffira que la source puisse fournir; la question aura de l'intérêt pour une source nouvelle: le droit des habitants naîtra avec la source.