Art. 238. — 367. La présente disposition ne se trouve pas dans le Code français; elle se trouve, au contraire, dans le Code italien (art. 537 et 538), mais avec une grande différence, au moins pour le premier cas, où les frais de réparation des digues sont à la charge du propriétaire inférieur qui les réclame. Elle est facile, du reste, à justifier.
Bien que les modifications des cours d'eaux, ici prévues, ne proviennent pas de faits de l'homme, mais d'accidents naturels, elles ne doivent pas aggraver la situation respective des fonds: les propriétaires pourront toujours rétablir le cours normal des eaux.
Le cas le plus saillant est celui où un cours d'eau traversait un fonds supérieur dans une direction plus ou moins horizontale et ne laissait écouler aucune partie de ses eaux sur un des fonds inférieurs; mais par la rupture d'une digue, l'eau s'échappe latéralement et inonde ce fonds. Il est juste, en pareil cas, que le propriétaire inondé puisse faire rétablir le cours naturel de l'eau.
Mais aux frais de quel propriétaire ?
Le Code italien met ces frais à la charge du propriétaire inférieur, sans doute parce que c'est lui qui réclame les travaux et qui en profite. Mais on peut s'étonner que ce Code qui admet la dénonciation de dommage imminent" (art. 599) ne l'applique pas ici avec ses conséquences.
Le cas ne pouvait faire doute dans le Projet japonais qui accorde formellement cette action possessoire pour danger de rupture de dignes ou aqueducs. Il y a là des ouvrages de main d'homme dont l'entretien doit être à la charge de celui sur le fonds duquel ils se trouvent.
Il en serait autrement si les berges rompues ou menaçant de se rompre étaient naturelles: dans ce cas la réparation ne pourrait être imposée au propriétaire du fonds supérieur, il devrait seulement la laisser exécuter.
Le 2°alinéa met encore les frais de dégagement des canaux ou aqueducs à la charge du propriétaire supérieur, parce que le fonds servant n'a pas la charge d'entretenir l'écoulement des eaux: il suffit qu'il n'y mette pas obstacle. En effet, on verra plus loin, sous l'article 254 et à la Section suivante, que les servitudes n'obligent pas à faire, mais seulement à souffrir.
368. La servitude relative à l'écoulement des eaux pourrait être modifiée dans son exercice par des conventions particulières; mais, il est impossible d'admettre qu'elle puisse être entièrement supprimée par convention, parce qu'il est d'ordre public et économique que les fonds supérieurs ne soient pas rendus improductifs par la surabondance des eaux.
Par la même raison, le propriétaire inférieur ne pourrait se dire affranchi de l'obligation de recevoir les eaux, sous le prétexte que le propriétaire supérieur les aurait retenues et absorbées pendant 30 ans, temps ordinaire du non-usage extinctif des servitudes.
C'est une des différences que présentent, avec les servitudes établies par le fait de l'homme, celles des servitudes légales qui sont fondées sur un intérêt d'ordre public essentiel (v. ci-après, art. 286 et 310).
Il est d'autant moins possible de soutenir que la servitude qui nous occupe pourrait être éteinte par une convention particulière que le propriétaire supérieur peut même exiger le passage des eaux provenant de drainage ou d'irrigation, et, cependant, ce ne sont pas là des eaux purement naturelles. La seule conséquence qu'il faille attacher à une convention qui exclurait la servitude d'écoulement des eaux naturelles, c'est qu'elle ne pourrait être rétablie que moyennant indemnité, comme cela a lieu pour les eaux de drainage ou d'irrigation: l'indemnité serait ici d'autant plus juste qu'il est probable que le propriétaire supérieur qui aurait consenti antérieurement à conserver ses eaux naturelles aurait lui-même reçu une compensation ou indemnité pour ce sacrifice de son droit; il ne devrait donc pas le recouvrer gratuitement.