234. L'indemnité sera fixée en capital, à moins que les parties ou le tribunal n'estiment que, dans un temps plus ou moins prochain, il sera établi une voie publique ou qu'il surviendra tel autre événement qui fera cesser l'enclave; auquel cas, l'indemnité sera réglée en annuités.
Dans ce dernier cas, le passage et l'indemnité cesseront d'être dus, respectivement, dès que l'enclave aura cessé.
Si l'indemnité a été fixée en capital et que l'enclave vienne à cesser, le propriétaire du fonds servant pourra s'affranchir du passage en restituant l'indemnité qu'il a reçue.
Les servitudes sont perpétuelles, en principe, comme les fonds auxquels elles sont attachées activement et passivement. Cependant, cette perpétuité n'est pas de leur essence, c'est-à-dire, n'en est pas inséparable, elle n'est que de leur nature, c'est-à-dire qu'elle a lieu de droit, s'il n'y est pas dérogé, soit par la loi, soit par le fait de l'homme. On a déjà fait remarquer, sous l'article 227, que la perpétuité ne figure pas dans la définition des servitudes.
L'enclave qui est la cause de la servitude légale do passage se présentera ordinairement comme devant avoir une durée indéfinie; l'indemnité devra donc, en principe, être fixée en capital une fois payé. Mais, l'enclave peut aussi cesser par des causes diverses, notamment, par la création d'une nouvelle voie publique avec laquelle communiquerait le fonds enclavé'; elle peut cesser aussi si le propriétaire du fonds enclavé acquiert un des fonds voisins communiquant avec la voie publique, autre que celui sur lequel il exerçait la servitude; on peut supposer aussi que le fonds servant se trouve réuni au fonds dominant dans les mêmes mains.
Chacun de ces cas présente des particularités.
La création d'une nouvelle voie publique est le cas qui donne l'application naturelle à l'exception portée au 1er alinéa de notre article. Il est possible que la nouvelle voie soit projetée depuis plus ou moins long-temps par l'administration et que le tribunal en ait connaissance: dans ce cas, le tribunal fera sagement, surtout s'il en est requis par l'une des parties, de fixer une indemnité annuelle à payer par le propriétaire du fonds dominant, laquelle cessera lorsque le passage, n'étant plus nécessaire, cessera lui-même.
Les choses pourraient se passer de la même manière si, au moment du règlement judiciaire de l'indemnité, le tribunal avait été informé du projet d'acquisition d'un fonds contigu à la voie publique par le propriétaire enclavé.
Il va sans dire que, dans ce cas, le passage cesserait, lors même que la communication nouvelle avec la voie publique se trouverait moins directe ou plus difficile que par celle qui résultait de la servitude.
Remarquons, sur ces deux premiers cas, que lorsque le tribunal a fixé une indemnité annuelle, la servitude cesse par la volonté de l'une ou de l'autre des parties, sans aucune restitution des annuités; au contraire, quand le tribunal, n'ayant pas admis la probabilité de cessation future de l'enclave, a fixé l'indemnité en capital, la cessation du passage ne peut avoir lieu, malgré' l'événement, que par la volonté du propriétaire du fonds servant; mais alors, il rend l'indemnité qu'il a reçue. Il ne faut pas s'étonner, en pareil cas, que l'indemnité soit restituée en entier. même lorsque le passage a été exercé plus ou moins long-temps: le propriétaire du fonds servant a eu la jouissance du capital, en compensation du trouble que lui a causé le passage.
Quant au troisième cas qui ferait cesser l'enclave, à savoir, la réunion du fonds servant et du fonds dominant dans les mêmes mains, ou confusion, il présente cette particularité qu'il ne donnera pas application au 3 alinéa de notre article: l'indemnité qui aurait été fixée en capital ne sera pas restituée par le propriétaire du fonds servant vendeur de sa propriété. On ne peut pas dire, en effet, qu'il “ s'affranchit du passage” puisqu'il n'a plus de fonds. D'ailleurs, le règlement du prix de vente entre les parties met fin à tous leur rapports pécuniaires au sujet des fonds.