Art. 219. — 330. Cet article est la contre-partie du 3° alinéa de l'article précédent: celui-là défendait le sursis au possessoire, celui-ci ordonne le sursis au pétitoire. Mais le motif n'est plus le même; car, tandis que le juge ne peut statuer sur choses non demandées, les parties peuvent, en général, à leurs risques, demander ce qu'elles croient leur appartenir et, en fait, il y a deux demandes pendantes.
La principale raison pour laquelle la loi veut qu'il soit sursis à statuer sur le pétitoire, jusqu'après le jugement définitif sur le possessoire, c'est que le possessoire a toujours un caractère d'urgence: il arrive souvent, en effet, que les contestations sur la possession amènent des injures, des violences ou des rixes; c'est une des matières où les particuliers ont une fâcheuse disposition à se faire justice à eux-mêmes; en outre, les preuves, tant de la possession que des atteintes qu'elle peut recevoir, sont de nature a disparaître avec le temps, plus facilement et plus prompte- ment que celles du fond du droit; il y a donc urgence à examiner et juger le possessoire.
Ajoutons que celui qui triomphera au possessoire sera défendeur à l'action pétitoire, il est donc juste de laisser à chaque partie le moyen d'obtenir son véritable rôle dans la procédure du pétitoire.
La loi suppose que les deux actions peuvent être portées devant le même tribunal; il semble, d'après ce qui a été dit plus haut (n° 329), que l'un d'eux devrait toujours être incompétent; mais cela n'est pas constant: d'abord, si l'action possessoire est déjà portée en appel au tribunal de district, au moment où l'action pétitoire est portée en lro instance à ce même tribunal, il n'y a aucune incompétence; il en est de même, s'il s'agit de meubles et que l'action pétitoire soit portée devant le juge de paix du domicile du défendeur, dans les limites de sa compétence, alors que l'action possessoire y est déjà pendante (1); enfin, lors même que le cumul des deux actions devant le même tribunal constituerait un cas d'incompétence, ce n'est pas l'exception d'incompétence qui devrait être opposée la première, mais celle tirée de notre article et tendant au sursis; elle est, en effet, beaucoup plus facile à juger qu'une question de compétence: il suffit de constater que les deux demandes sont pendantes et d'ajourner l'action pétitoire.
Le 2e alinéa autorise, le défendeur au pétitoire à se porter demandeur au possessoire. Il ne fallait pas que l'auteur du trouble ou de la spoliation pût, en intentant l'action pétitoire, se soustraire à une prompte réparation et priver le possesseur de l'action possessoire.
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(l) Il est vraisemblable que dans les cas où la revendication des meubles ne sera pas empêchée par la maxime " en fait de meubles, la possession vaut titre," elle sera, le plus souvent, de la compétence des juges de paix, sauf appel (v. note 4, ci-après).