Art. 255. — 391. Les deux premières dispositions de cet article rentrent dans lj système économique qui gouverne toute cette matière.
C'est un principe économique qu'il faut chercher à obtenir le plus d'avantages possibles avec le moins de travaux, c'est-à-dire avec les moindres dépenses.
Or, lorsqu'il s'agit d'amener des eaux pour l'irrigation ou l'industrie, ou d'évacuer des eaux surabondantes, si l'on peut utiliser les mêmes canaux en faveur de plusieurs fonds, c'est un bien général en même temps que particulier. Dût-on même faire les canaux plus larges ou plus profonds, ce serait encore moins coûteux que de faire deux ou plusieurs canaux.
On ne réfutera pas ici l'idée ridicule de ceux qui prétendent, au contraire, que, plus il y a de travail à faire, plus il y a de profits répandus dans le pays, par les ventes de matériaux et par les salaires donnés à la main d'oeuvre. Autant vaudrait-dire que c'est un grand bien pour un pays d'être périodiquement dévasté par les incendies, les typhons et les tremblements de terre, parce que ces désastres font vendre des bois et donnent du travail aux charpentiers. C'est ne voir qu'un côté des choses. Le côté qu'on ne voit pas, c'est que, si le désastre n'avait pas eu lieu, les capitaux ainsi employés auraient reçu un autre emploi, car les capitalistes intelligents n'ont pas pour habitude de conserver l'argent oisif: il y aurait eu des constructions nouvelles, par conséquent, des ventes de matériaux et des salaires gagnés et payés; la richesse publique s'en fût trouvée augmentée et, par suite, le bien-être général; tandis que, s'il n'y a que des réparations de désastres, le pays a moins de capitaux amassés et n'a pas plus de constructions qu'auparavant (l).
392. Pour revenir au texte, on remarquera que la réunion, dans un même canal, des eaux de deux propriétaires ne demande pas les mêmes précautions pour la sortie que pour l'entrée: pour la sortie, il importe peu que les eaux soient aussi pures les unes que les autres, puisque leur emploi est terminé; il en est autrement ponr l'entrée: il ne faut pas que les unes gâtent les autres (5).
On pourrait enfin se demander si cette sorte d'association des eaux et des intérêts des propriétaires modifie, en plus ou en moins, l'indemnité due au fonds servant. Il faut reconnaître que l'indemnité ne reste pas la même, si le propriétaire du fonds servant prête ses canaux au fonds dominant; car, dans ce cas, le fonds servant n'est déprécié que par une perte partielle de la liberté dù propriétaire; mais il n'y a pas occupation d'une partie utile du terrain. Dans le cas, au contraire, où le fonds servant emprunte le canal déjà fait par le fonds dominant, si l'indemnité a déjà été réglée, tant pour la diminution de liberté que pour l'occupation de terrain, elle ne sera pas modifiée par l'emprunt du canal. Le seul effet de cette communication des eaux dans un même canal est que chacun supportera une part proportionnelle des dépenses dudit canal, et que chacun aussi en aura le bénéfice à moins de frais. Mais si, au moment où le fonds dominant réclame le passage, le fonds servant demandait que le canal pût recevoir ses eaux, le tribunal pourrait toujours tenir compte de cet avantage pour fixer une indemnité moindre.
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(5) C'est à raison de cette différence entre l'entrée et la sortie des eaux que l'on supprime dans le nouveau texte la phrase qui les mettait sur la même ligne: la fin du 1er alinéa qui suppose que la réunion des eaux est nuisible au fonds dominant ne peut s'appliquer qu'à l'arrivée des eanx, non à leur sortie.
(l) Cette courte digression économique rattachée au Commentaire de la loi y trouvera plus d'autorité pour combattre une erreur populaire, sans doute aussi commune an Japon qu'en Europe.
On a traduit en japonais les PETITS PAMPHLETS ECONOMIQUES de Bastiat: notamment, Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit,pas, et on les trouve, au Japon comme en France, aussi piquants qu'instructifs.