Art. 165. — 216. Par innovation à l'égard d'un ancien usage contraire aux intérêts économiques du pays, le bailleur ne pourra plus mettre fin au bail, en vendant la chose louée. En France, la loi s'en est formellement expliquée, dans l'article 1743, non-seulement parce qu'elle innovait aussi sur l'ancien droit (e), mais encore parce qu'elle laissait au bail les caractères d'un droit personnel.
Dans le présent Projet, la loi n'a pas cru devoir proclamer expressément la persistance du bail en présence d'une vente, parce qu'elle donnait au bail la nature du droit réel et cette conséquence en était la plus simple et la plus considérable en même temps.
Mais rien n'empêche les parties de convenir qu'au cas de vente, le preneur pourra être expulsé; c'est une réserve que fera souvent le bailleur, quand il fera un bail à prix réduit et pour une longue durée, circonstances qui pourraient détourner un acheteur.
Le bailleur pourrait aussi se réserver la faculté de résilier le bail pour occuper les lieux par lui-même: cette stipulation était même sous-entendue chez les Romains et dans l'ancien droit français, dans l'intérêt du bailleur; l'article 1761 du Code français l'a abolie, en tant que tacite, et il veut qu'elle soit expresse, comme le veut l'article 174.3 pour la résiliation au cas de vente (f).
Le présent article réserve encore le droit du bailleur de résilier le bail à sa convenance, pour tous autres cas déterminés.
Le preneur peut aussi faire de pareilles stipulations, dans son intérêt ou dans celui de ses héritiers.
Ainsi, le preneur a une fonction qui l'oblige à résider au lieu où il l'exerce; il peut stipuler qu'en cas de changement de fonction ou de résidence, le bail sera résilié, pour éviter les embarras et les difficultés d'une sous-location.
De même, il prévoit le cas où il viendrait à mourir avant la fin du bail: sa mort, en principe, ne dissoudrait pas le bail, mais comme la location pourrait être inutile et, par suite, gênante pour ses héritiers, il stipule la résiliation en leur faveur.
Dans tous ces cas et autres semblables, il faudra, au moins, que la partie qui veut mettre fin au bail en vertu de la clause, prévienne l'autre partie par un congé, en observant les délais ci-dessus établis suivant la distinction des choses louées.
Ces cas ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux prévus à l'article 157-4°, où l'on a supposé une condition résolutoire expresse, opérant d'elle-même, par le seul fait de l'arrivée de l'événement prévu: la loi suppose ici que les parties n'ont pas stipulé une résolution expresse, mais seulement une faculté de résolution.
Il va sans dire, et cependant la loi l'exprime, que si le temps restant à courir du bail est plus court que l'intervalle à observer entre le congé et la sortie, le congé est inutile; le bail alors prendra fin par la convention originaire et non par l'exercice de la faculté de résiliation. Un congé même, envoyé ou reçu par erreur, ne prolongerait pas le temps restant à courir.
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(e) L'article 1743 du Code français abroge une loi romaine célèbre, ainsi conçue: " l'acheteur n'est pas obligé de respecter le fermier," Emp. torem necesse non est stare colono.
(f) Cette disposition de l'article 1761 est appelée généralement " abrogation de la loi Æde."