Art. 157. — 207. On ne retrouve pas ici toutes les causes d'extinction de l'usufruit; cela tient, comme la plupart des autres différences déjà signalées, non à la différence de nature des deux droits, lesquels sont, au contraire, très voisins l'un de l'autre, mais à la différence de la cause des droits: le bail est constitué pour une cause onéreuse, c'est-à-dire à raison du sacrifice que fait le preneur, à raison de la prestation périodique qu'il s'engage à fournir, ce qui exclut, ordinairement, toute considération de sa personne; l'usufruit, au contraire est constitué, le plus souvent, à titre gratuit et, dans tous les cas, en considération d'une personne déterminée.
De là, la conséquence que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier.
Sans doute, dans le louage, les parties pourraient convenir que le droit du preneur finira par sa mort; mais il faudrait, à cet égard, une stipulation expresse: il ne suffirait pas que les circonstances permissent de croire que le droit a été établi en considération de la personne.
Le non-usage pendant 30 ans n'est pas non plus une cause d'extinction du bail: il n'y a, d'ailleurs, aucune vraisemblance que le cas se présente jamais; car la prestation périodique que le preneur aura à payer, et qui certainement lui sera demandée, le préservera de l'oubli ou de l'ignorance de son droit.
La renonciation du preneur à son droit ne mettrait pas non plus fin au bail, car il ne peut, par sa seule volonté, s'affranchir des obligations qui y sont corrélatives. Ce qui serait possible, à cet égard, serait une résiliation volontaire des deux côtés; mais alors ce ne serait plus une cessation de plein droit.
Quant à l'abus de jouissance, il rentre dans la généralité du dernier alinéa du présent article, dans la résolution prononcée en justice pour inexécution des obligations du preneur.
208. On reprend maintenant, pour quelques développements sommaires, les cinq cas d'extinction du bail, s'opérant de plein droit et sans qu'il soit besoin de la faire prononcer en justice (a).
On remarquera d'abord que l'extinction dont il s'agit ne s'applique pas seulement au droit du preneur, mais, en même temps, à celui du bailleur et, par conséquent, au contrat tout entier.
1° La perte de la chose louée est ici supposée totale.
Si elle n'était que partielle, elle pourrait donner lieu, soit à diminution du prix de bail, soit même à résiliation (art. 138 et 158) (b); mais ce ne serait que par l'effet d'une décision judiciaire ou d'une convention amiable: ce ne serait plus de plein droit.
Si la perte de la chose était le résultat de la faute de l'une des parties, du preneur vraisemblablement, le bail n'en prendrait pas moins fin; mais il y aurait lieu à une indemnité contre la partie qui serait en faute.
2° L'expropriation totale a de l'analogie avec la perte de la chose louée: dans ce cas, la jouissance du preneur devient impossible légalement, au lieu de le devenir naturellement.
3° L'éviction du bailleur est le cas où il est jugé que la propriété de la chose ne lui appartenait pas au moment du contrat (voy, n° 107, a); l'annulation de son droit de propriété a lieu dans le cas où il tenait ce droit (l'un acte entaché, soit d'un vice de consentement, soit d'une incapacité, de la part du cédant.
Dans les deux cas, il faut qu'une décision judiciaire intervienne contre le bailleur, pour que, par voie de conséquence, le bail finisse de plein droit.
Enfin, il faut que la cause d'éviction soit antérieure au bail: autrement, elle ne serait pas opposable au preneur qui ne doit pas souffrir des actes du bailleur. Et, lors même que la cause alléguée serait antérieure au bail, il faudrait encore que le preneur eût été mis en cause, de manière à y pouvoir contredire, pour que le jugement lui fût opposable.
4° Il est conforme aux principes généraux qu'un droit qui n'a été établi que pour un temps déterminé s'éteigne par l'arrivée du terme fixé. Le temps peut être fixé expressément ou sous-entendu, c'est-à-dire fixé tacitement. La fixation expresse n'implique pas nécessairement un nombre d'années, de mois ou de jours déterminés, bien que ce soit ce qui aura lieu le plus souvent: ce pourrait être l'indication d'un événement précis dont l'arrivée est sujette à être plus ou moins hâtive ou tardive. Par exemple, le preneur a loué une maison, pour tout le temps où il exercerait une fonction publique dans la ville: ses fonctions cessent ou il change de circonscription, le bail cesse.
De même le preneur a loué une maison, pour le temps pendant lequel il construirait sa propre maison: quoique l'époque à laquelle la maison sera terminée soit variable, ce n'en est pas moins un terme expressément stipulé.
Au contraire, le bail a été fait avec une destination particulière des lieux loués et le bailleur a 'connu cette destination; il est tacitement entendu qu'une fois la destination remplie, le bail cessera. Par exemple, un entrepreneur de travaux publics, chargé de la construction d'un édifice, a loué un terrain voisin des travaux, pour la taille des matériaux et l'assemblage provisoire des charpentes; le bailleur a connu la destination spéciale des lieux loués; il est, dès lors, présumé avoir consenti à ce que le bail prît fin, de plein droit, avec l'achèvement des travaux, mais non aupa ravant, comme aussi s'être réservé le droit de reprendre les lieux loués à la même époque.
Dans l'article 161 ci-après, la loi donne elle-même un exemple, par présomption, de terme tacitement fixé.
La loi met sur la même ligne que le terme un événement ayant le caractère d'une condition, c'est-à-dire un événement futur et incertain, dont l'accomplissement doit résoudre le bail: par exemple, il avait été convenu que le bail cesserait, si le preneur obtenait une fonction ou un emploi public dans une autre ville.
5° s'il n'y a point de terme assigné au bail par les parties, à l'origine, la loi permet à chacune d'elles d'y mettre fin par un avertissement, en forme, donné un certain temps avant la sortie et qu'on nomme congé
Ce n'est pas le congé qui met fin au bail; ce ne serait pas alors une extinction de plein droit, mais par le fait de l'homme: le congé fait seulement commencer un délai à l'expiration duquel le bail finit de plein droit.
Le congé est l'objet de quatre articles ultérieurs (art.159, 160, 162 et 163).
Le dernier alinéa ne présente plus de cessation de plein droit, mais une cessation par voie d'action, soit en résolution pour inexécution des obligations par l'une des parties, soit en rescision pour incapacité ou vice de consentement; il a déjà été sommairement parlé de ces actions (no 74) et il en sera encore question plus loin.
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(a) Il va de soi qu'un effet de droit ou de la loi peut toujours être contesté et qu'une action en justice peut intervenir à ce sujet; mais alors la justice ne le prononce pas, elle le déclare, et l'effet, désormais reconnu, ne date pas du jour du jugement, ex nunc (de maintenant), mais du jour où l'effet s'est produit en vertu de la loi, ex tune (d'alors).
(b) Entre le mot résolution et le mot résiliation usité spécialement en cas de bail, il n'y a pas de différence importante quant aux effets, mais seulement quant aux causes; toutefois, la résiliation est considérée comme exigeant toujours une demande en justice, tandis que la résolution a quelquefois lieu de plein droit.
Notons encore que la résolution suppose toujours une cause antérieure au contrat, lui donnant un caractère conditionnel, tandis que la résiliation peut avoir lieu par une cause postérieure, comme une perte partielle de la chose ou une privation de jouissance.