Art. 188 et 188 bis (3). -245. La loi ne pouvait soumettre le droit de superficie à la même durée que l'emphytéose: cette durée aurait pu être excessive dans certains cas et insuffisante dans d'autres.
Elle distingue si le titre constitutif a assigné ou non une durée déterminée au droit de superficie.
Au premier cas, il eût pu paraître raisonnable de s'attacher à la nature des constructions (pierres, briques ou bois) et de faire durer le droit en raison directe de la solidité probable des édifices, répondant d'ailleurs au coût probable de leur établissement; mais dans chacun de ces genres de constructions il y a bien des variétés possibles; en outre, si les bâtiments existaient déjà au moment où la superficie avait été cédée, il était possible qu'ils eussent déjà une plus ou moins grande ancienneté.
Le système auquel la loi s'est arrêtée répond à l'intention probable des parties: le droit durera autant que les bâtiments.
Mais le superficiaire pourrait abuser de sa position, en remettant les bâtiments à neuf, périodiquement et à mesure qu'ils seraient menacés de tomber de vétusté.
La loi prévient cette fraude, qui éterniserait presque le droit de superficie, en adoptant un système déjà usité en France pour assurer l'alignement des rues et leur redressement, sans recourir à l'expropriation; c'est d'empêcher les grosses réparations ou réconfortations (voy. nos 62 et 63). Le superficiaire ne pourra faire ces travaux que si le propriétaire l'y autorise et il est clair que celui-ci pourra mettre à cette autorisation les conditions qu'il jugera à propos, comme, par exemple, l'élévation de la rente annuelle.
Pour ce qui concerne les plantations, le système de la loi est également facile à justifier: quand les arbres ont atteint leur plus grand développement utile, c'est- à-dire, quand ils ne gagneraient pas à être conservés, le droit doit cesser: le superficiaire les arrachera et son droit prendra fin, faute d'objet. Il en serait évidemment de même, si les arbres étaient détruits par accident.
246. Dans ce même cas où le droit de superficie n'a pas de durée fixée par le titre constitutif (ou par un acte postérieur toujours possible), le superficiaire peut y mettre fin par un congé; mais la loi refuse ce droit au propriétaire.
Le motif de cette différence entre la superficie et le bail tant ordinaire qu'emphytéotique, où le droit de donner congé d'un bail d'une durée indéterminée est réciproque (v. art. 160, 163 et 166), est que la superficie est un droit de propriété de bâtiments et plantations, bien plus qu'un bail du sol; or, il ne doit pas être permis au propriétaire du sol de mettre fin à un droit de propriété d'autrui. Au contraire, le superficiaire peut ne pas trouver un profit suffisant de ses bâtiments ou plantations, ou il peut désirer les transporter ailleurs (c); il est donc juste qu'il puisse abandonner son droit: il lui suffit pour cela de prévenir le propriétaire un an à l'avance ou de perdre une annuité.
247. La loi devait prévoir le cas, plus rare, où il aurait été assigné au droit de superficie une durée déterminée: elle décide, naturellement, que dans ce cas le droit cesse de 'plein droit à l'arrivée du temps fixé, et elle ajoute (c'est là surtout l'utilité de l'article) qu'il n'y aura pas lieu à tacite réconduction.
Le motif de cette dérogation au droit commun du bail, tant ordinaire qu'emphytéotique (voy. art. 166) est qu'au cas de tacite réconduction, il faudrait encore un congé pour y mettre fin; or, dans ce cas, il serait impossible de ne pas accorder aux deux parties un droit égal de le signifier. Mieux vaut donc refuser ce droit à l'une et à l'autre et observer les conditions premières du contrat; le superficiaire d'ailleurs n'en éprouvera pas un dommage imprévu, car il a dû songer d'avance à se retirer et à disposer de ses bâtiments ou plantations. Mais, bien entendu, il pourra toujours y avoir une réconduction expresse: la loi ne présume plus la volonté des parties, mais elle ne prétend pas défendre de l'exprimer.
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(3) L'ancien article 188 a été dédoublé et complété en ce qui concerne la tacite réconduction qui est ici exclue, tandis que le silence de la loi aurait pu être interprété dans le sens de son admission.
(c) On a déjà eu occasion (nO 17-90) de signaler l'extrême facilité avec laquelle, au Japon? les bâtiments peuvent être démontés (au moins ceux en bois) et transportés ailleurs. ou en est de même des arbres, même à haute tige, lorsque, en prévision du déplacement on a eu soin d'empêcher les racines de s'étendre loin du tronc, ou même, lorsqu'à défaut de cette prévision, on a, pendant un an ou deux, recépé les grosses racines, progressivement, sans déplacer l'arbre pendant qu'il en pousse de nouvelles.