Art. 47. — 77. La loi ne se borne pas à permettre aux particuliers de constituer l'usufruit quand ils y verront avantage, elle donne quelquefois elle-même ce droit, là où un droit de propriété eût été excessif: par exemple, à certains parents, en matière de successions, ou aux père et mère sur les biens de leurs enfants, pendant la minorité de ceux-ci.
La constitution de l'usufruit par convention répondra aussi à un besoin de ceux qui, n'ayant pas une fortune suffisante pour vivre avec leurs revenus, aliéneront leurs capitaux contre un usufruit qui pourra être d'autant plus considérable qu'ils seront plus avancés en âge; car l'usufruit est, de sa nature, un droit viager, ainsi qu'on l'a dit déjà et comme on le reverra souvent dans la suite.
Les moyens de constituer l'usufruit par la volonté de l'homme étant les mêmes que ceux par lesquels le droit de propriété lui-même se transmet, il n'y a pas à s'y arrêter ici: ce sont les conventions et les dispositions testamentaires qu'on trouvera développées au Livre IIIe, ire Partie. On doit seulement remarquer que le droit d'usufruit qui peut s'acquérir par succession légitime ou testamentaire ne peut se transmettre par les mêmes voies, du chef de l'usufruitier: toujours, parce que le droit est viager et s'éteint avec le titulaire.
Un moyen particulier de constituer l'usufruit qui ne s'applique pas au droit de propriété, c'est la rétention dans une aliénation gratuite ou onéreuse, de la propriété; l'ancien plein propriétaire n'est plus désormais qu'usufruitier. Ce cas particulier de constitution d'usufruit a un intérêt pour le cautionnement à fournir par l'usufruitier, au moins au cas d'usufruit retenu dans une donation (v. art. 86, 28 al.).
Le présent article n'indique, par forme de renvoi, que deux cas d'usufruit légal: ce sont les seuls admis par le Code français (art. 38:3 à 387 et 754) et il n'est pas vraisemblable que le Projet japonais en admette d'autres que celui des père et mère et de certains parents appelés à un usufruit héréditaire, de préférence à un droit de propriété.
Quant à l'usufruit qui pourra appartenir au mari soit, sur les biens communs, soit sur les biens propres de sa femme, il ne faudra pas le considérer comme un usufruit légal: il aura toujours sa base dans le contrat de mariage, lors même qu'il n'aurait pas besoin d'être stipulé expressément; ce era donc un usufruit conventionnel; aussi, pourra-il être exclu ou modifié par les parties; mais cela n'empêchera pas qu'il soit soumis à quelques règles particulières: notamment, il sera défendu au mari de le céder, ou de l'hypothéquer pour ses dettes particulières (voy. art. 71).
77 bis. La prescription n'est pas annoncée comme moyen d'acquérir l'usufruit, parce que, d'après les observations faites sous l'article 45, elle est plutôt une présomption légale et absolue d'acquisition par un des modes ordinaires (1). Cependant, la prescription reçoit son application en matière d'usufruit. Un exemple le fera comprendre.
Quelqu'un a acheté un droit d'usufruit d'une personne qu'il croyait propriétaire et qui ne l'était pas: l'acheteur a possédé l'usufruit, c'est-à-dire, l'a exercé sans trouble et pendant le temps fixé pour la prescription: le droit d'usufruit lui reste désormais acquis jusqu'à sa mort. On peut dire que l'usufruit est présumé constitué par la volonté de l'homme (a).
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(1) L'ancien texte l'énonçait après la volonté de l'homme, parce qu'à ce moment on n'était pas sûr de voir adopter cette théorie de la présomption.
(a) Les Romains eux-mêmes disaient que Il celui qui laisse un tiers acquérir son bien par usucapion semble aliéner" (alienare videtur qui patitur usucapiQnem).